Un village accroché haut sur les flancs d'une montagne, dernier bastion avant une nature sauvage et hostile. Les maisons de bois étaient toutes regroupées, serrées les unes contre les autres comme si elles aussi avaient froid. Toutes sauf une. Un chalet à l'écart, encore plus haut que les autres, dans lequel vivait un jeune homme blond aux yeux aussi bleu que le ciel d'été. Mais là, c'était l'hiver et la neige tombait drue depuis une heure sans manifester l'envie de s'arrêter.Sanji regardait par la fenêtre dans un air las, ça allait être la galère pour descendre au village demain. Il soupira et éteignit sa cigarette avant de jeter le mégot dans le feu de la cheminée.
« Chier... si j'arrive en retard demain, Zeff va encore m'expédier en cuisine à grands coups de pieds au cul. Jack Frost, enfoiré d'esprit, tu ne peux pas aller faire tomber ta neige ailleurs ?! »
Le blond fini de préparer son repas, mangea avec un livre à la main et alla se doucher. En sortant de la salle de bain, il jeta un nouveau coup d'œil dehors et jura en voyant qu'il devait bien avoir une bonne cinquantaine de centimètres de neige au sol et qu'elle tombait encore. Le feu baissait et quand il prit une buche pour le nourrir, il remarqua, effaré, que c'était la dernière. Il allait devoir ressortir pour aller en chercher avant qu'il y ait trop de neige.
Soupirant et pestant à qui mieux-mieux, il se rhabilla et sortit dans le crépuscule hivernal, froid et silencieux. La neige lui arrivait presque à hauteur des genoux et il peinait pour traverser la bande clairsemée qui séparait son chalet de la forêt dense et épaisse qui couvrait les flancs de la montagne au-dessus d'eux. Les flocons poussés par le vent l'obligeaient à plisser les yeux et c'est ainsi qu'il buta sur un obstacle dissimulé sous le manteau blanc.
Il s'étala la tête la première dans la poudreuse où il se débattit un instant avant d'arriver à se relever et d'insulter copieusement l'esprit de l'hiver. Intrigué de savoir ce qui l'avait fait tomber, il écarta la neige fraiche du bout des doigts et eu un moment d'arrêt devant ce qu'il découvrit.
« Bordel de merde ! Qu'est-ce qu'il fout là, lui ? »
Il le dégagea sommairement de sa gangue de neige et chercha à voir s'il était encore en vie. Deux doigts sur son cou, il attendit, les yeux fermés pour se concentrer. Rien...
Si ! Là ! Léger mais oui, c'était sans aucun doute un battement de cœur. Le regard allant du chalet à l'homme et de l'homme à la réserve de bois, Sanji se demanda un instant quoi faire. Et merde ! Il n'était qu'a quelques pas du tas de buches, autant ne faire qu'un voyage. Laissant l'inconnu là où il était, il franchit la courte distance le plus rapidement possible et rempli une hotte des précieuses buches. Les lanières lui lacérèrent les épaules mais tant pis, il n'avait aucune envie de ressortir en chercher.
Il fit demi-tour et s'arrêta devant la forme immobile dans la neige. En soupirant, il lui attrapa un bras et le chargea comme il le put sur son épaule, rajoutant un poids non négligeable à sa charge déjà bien lourde. Le chalet n'était pas loin mais il fallut ce qui lui sembla être une éternité pour y parvenir. Une fois à l'intérieur, il rajouta du bois dans le feu et allongea son invité sur la peau d'ours qui se trouvait devant la cheminée.
C'était qui ce type ? Il n'était pas du coin, ça il en était sûr, un mec avec des cheveux de cette couleur il s'en souviendrait. Ce n'était pas un chasseur non plus, à moins que les chasseurs ne préfèrent les sabres aux fusils. Qui c'était ce mec ? Pourquoi était-il venu crever dans sa cour ?
Sanji lui enleva ses bottes et ses chaussettes trempées puis galéra pour lui retirer son pantalon imbibé de neige fondue. Il remarqua que ses pieds avaient une vilaine couleur bleu- violacé qui n'inaugurait rien de bon. Il ouvrit ensuite la veste vert foncée après avoir réussit à défaire le nœud de la ceinture en tissu violet qui la tenait fermée et écarquilla les yeux. Ce taré ne portait rien dessous, pas de pull, ni même un léger t-shirt, rien que son torse nu parcouru d'une balafre de l'épaule à la hanche.