8-La collection de cailloux de mon fils 👦🏼

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Jeune mère célibataire, j'avoue que vivre à Marseille dans les quartiers disons « populaires » n'est pas toujours une chose facile. Mais avec le peu d'argent que m'a laissé mon ex-copain, je n'ai pas réellement le choix. Pour mon jeune fils aussi c'est compliqué. Un peu lunatique, il a parfois beaucoup de mal à se faire des amis. Il passe la plupart de son temps à jouer aux playmobils, ou à traîner dans le terrain vague derrière le centre commercial. Ce n'est pas très hygiénique, mais je n'ai pas le courage de l'arracher à ses aventures.

Dernièrement il me rapportait parfois une ou deux pierres à la fin de sa journée, venant tout droit du terrain vague. Je n'ai pas trouvé ça étrange, qui, enfant, n'a pas collectionné les cailloux ? Surtout que ceux-ci étaient en effet d'une beauté sidérante : possédant des reflets brillants, et une couleur sombre mais magnifique. Il s'amusait tant avec, même s'ils étaient sales, c'est vrai, mais c'était tellement mignon de le voir ainsi, quelle mère empêcherait son fils de s'amuser ? À la fin du mois, il en avait bien une vingtaine, tous de la même couleur sombre.

Mais ces pierres m'intriguaient, je n'en avais jamais vu aucune de la même couleur. Déterminée à découvrir l'origine de ces dernières, je me suis mise à en chercher la provenance. J'ai d'abord cherché dans mon moteur de recherche « pierres tâches rouges sombre ». Aucun résultat.

« Marseille pierres rouge sombre reflets gris » : rien de convaincant non plus.

Aux mots-clés « Marseille 16ème arrondissement pierres rouges sombre, » j'ai enfin trouvé plusieurs résultats, tous datés de 2004. Un nom ressortait : « Ghofrane Haddaoui, » que j'ai d'abord pris pour le qualificatif scientifique des pierres. J'aurais préféré avoir raison.

« Ghofrane Haddaoui est une jeune fille de nationalité française, d'origine tunisienne, tuée à coups de pierres, dont le corps fut découvert sans vie dans un terrain vague, près du centre commercial Grand Littoral à Marseille le 19 octobre 2004. Sa lapidation la veille a suscité, après un temps d'indifférence, l'indignation sur la condition des jeunes filles des quartiers populaires en France. »

J'ai été incapable de faire le moindre mouvement pendant une dizaine de minutes, les yeux rivés sur mon ordinateur. Puis mon regard s'est tourné vers mon fils, jouant avec les roches cabossées.

Je ne sais pas quoi faire. Je devrais livrer les cailloux à la police, et je le sais.

Mais après tout, quelle mère empêcherait son fils de s'amuser ?

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