Prologue (Corrigé)

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Aujourd'hui c'est vendredi, et demain ... C'est le week-end ! Mince, il faut que j'écoute la leçon ! Je suis tellement impatiente que sans m'en rendre compte, je me suis évadée dans mes pensées. Je regarde le tableau, la maîtresse est habillée, comme toujours, de sa jupe rouge et de son tee-shirt qui ressemble à celui de ma grand-mère. Elle n'est pas moche, mais elle n'est pas très jolie non plus... Et puis c'est une femme assez âgée !

Tout le monde est assis et concentré sur ce qu'elle dit, sauf les quelques clowns de la classe qui s'amusent à jeter des avions et des boulettes en papier dès qu'elle a le dos tourné. On fait du français depuis une heure et plus précisément de la grammaire. C'est nul la grammaire, je n'aime pas ça... Ah ! La maîtresse nous donne enfin les devoirs pour lundi, c'est bientôt fini ! Elle les écrit sur le vieux tableau noir, mais elle n'écrit pas très bien... En plus, on ne voit pas grand chose avec ses craies blanches toutes pourries. Elle n'a qu'à en acheter d'autres, on verrait mieux !

La vielle femme nous demande de ranger ce qu'il se trouve sur nos tables. Je prends alors mon cahier et mon livre de français ainsi que ma trousse violette et les mets dans mon cartable plus vite que l'éclair. Tout en rangeant ses affaires dans son sac en cuir, elle nous fait signe de sortir. On se précipite tous vers la sortie, en bousculades et en courant le plus vite possible.

Une fois devant le portail de l'école, je cherche la petite voiture rouge de maman du regard.

_ Voiture verte, voiture blanche, voiture grise, voiture blanche, voiture noire... VOITURE ROUGE ! C'est elle ! Marmonnais-je à moi-même avec enthousiasme.

Je me dirige vers elle en faisant attention aux autres véhicules. Je monte à l'arrière, m'assois rapidement sur le siège et pose mon sac-à-dos devant mes pieds avant de refermer la portière.

_ Coucou ma puce ! Me dit joyeusement ma mère en me regardant à travers le rétroviseur intérieur. Tu as passé une bonne journée ?

_ Coucou maman chérie ! Oui ! Mais on a fait de la grammaire et je trouve ça ennuyeux...

_ Mais maintenant c'est le week-end ! Tu vas pouvoir te reposer et t'amuser ! Rajoute t-elle en me souriant tendrement.

_ Oui !

Mon visage s'illumine à cette simple pensée. Il ne me tarde qu'une chose : jouer avec Sarah ! C'est ma meilleure amie. Quand je rentre de l'école, elle m'attend tout le temps pour qu'on aille ensemble dans le jardin. On vit des aventures passionnantes, des fois difficiles et parfois effrayantes.

Maman me dit toujours que je dois profiter de mon enfance, parce que les adultes ne peuvent pas vivre librement et passer leur temps à faire des jeux, qu'ils ont beaucoup de travail et doivent s'occuper de tout. C'est pour cela que je ne veux pas grandir ! Je viens d'avoir huit ans et c'est déjà bien assez ! En plus, j'ai promis à Sarah de toujours rester la même. Elle aussi a peur qu'on se sépare quand je serais grande, mais elle sera toujours ma meilleure amie.

La voiture ralentit, nous sommes arrivées. Je prends mon cartable et descends en vitesse, je vais enfin retrouver Sarah ! Maman sort les clés de son sac à main et ouvre la porte de la maison. Je rentre et m'empresse d'enlever et de ranger mes chaussures à leur place, de même pour mon manteau et ma veste.

Et je crie alors : « À moi la liberté ! »

Je trotte jusqu'à ma chambre et regarde l'heure sur la pendule cuivrée, en passant dans le couloir, qui affiche seize heures quarante deux. En rentrant dans ma chambre, je remarque la présence de Sarah, qui, comme à son habitude, est assise sur mon lit et patiente calmement en observant le jardin à travers la fenêtre. Elle est tellement belle avec ses cheveux blonds lumineux, on dirait qu'ils sont en or. Et ses yeux sont d'un bleu hypnotisant, ils sont comme un ciel ensoleillé un jour d'été, sans aucun nuage. Sa peau ambrée et pure forme un contraste magnifique avec ses lèvres roses, on la croirait tout droit sortie d'un conte de fée. Son visage est resplendissant, elle est grande et mince : la fille parfaite.

_ Salut ! Me lance-elle en me voyant. Alors t'es prête pour une aventure dans le cruel monde des enfers ?

_ Carrément !

Le sourire jusqu'aux oreilles, nous voilà parties toutes les deux dans le jardin. Nous prenons alors des bâtons solides au pied du grand arbre qui nous servirons d'épées et mettons nos couronnes de lierres sur nos têtes, pour ensuite partir comme des combattantes du mal prêtes à tout pour sauver le monde. Pour comprendre notre univers, il faut beaucoup d'imagination ! Beaucoup, beaucoup, d'imagination !

_ Là ! Une créature des enfers ! Hurle mon amie.

_ Attention Sarah, derrière toi ! Criais-je à mon tour.

Il y a tant d'obstacles dehors, cela rend notre aventure encore plus réelle : les arbres et leurs racines sortant légèrement du sol, les pentes de notre grand terrain, la balançoire en bois... Nous nous battons, moi et Sarah, contre tout un tas d'ennemis, et je dois bien admettre qu'ils me font vraiment peur. Ils sont monstrueux et horriblement moches, ils ont des têtes bizarres et sont répugnants. Mais je n'abandonne jamais, ma mission est de les combattre jusqu'au dernier.

Soudain, un bruit attire mon attention derrière les arbustes tout juste jaunis par l'automne. Je m'approche prudemment en sentant les battements de mon cœur s'accélérer, cognant fort dans mes tympans, et prend mon courage à deux mains malgré l'angoisse qui grandit dans ma gorge et mon ventre. J'avance à pas de loups, et contourne les petits arbres. J'aperçois alors quelque chose, ou plutôt quelqu'un.

C'est un jeune garçon, un peu plus grand que moi, mais je le vois seulement de dos. Il porte un pantalon bleu et une veste noire, et il a aussi des cheveux sombres en pagayes. Il est entouré d'une aura blanche magnifique et très lumineuse, ce qui me rassure et un sentiment agréable me traverse le corps. Je m'avance discrètement, quand une brindille craque sous mon poids.

Oups.

Le garçon se retourne brusquement et ses beaux yeux marrons plongent dans les miens, un frisson me parcourt aussitôt de la tête aux pieds. Il me cerne pendant de longues secondes puis s'adresse à moi.

_ Bonjour, comment t'appelles-tu ?

_ Eléna, répondais-je intimidée.

_ Moi c'est Maxime, lance t-il avec un très beau sourire.

Et moi, comme une idiote, je reste plantée là sans ouvrir la bouche. C'est comme si j'étais paralysée face à sa beauté, mes mots étant bloqués à l'intérieur de mon être. Ce silence dure moins d'une minute durant laquelle nos yeux ne se quittent pas une seule seconde. Il me regarde, comme s'il avait vu une pile de bonbons et m'adresse une parole qui restera gravée à jamais dans ma mémoire :

_ Tu es très belle, Eléna.

Mais ensuite, une autre voix retentit depuis la maison et met malheureusement fin à notre discussion, du moins à notre partage de regards.

_ Eléna ! Viens, je t'ai préparé un bon gâteau aux cerises !

_ C'est ma mère, il faut que j'y aille... Lui expliquais-je, avant de partir en me tournant une dernière fois vers lui.

Il me sourit et j'en fais de même avant de me retourner et de marcher en direction de la maison. Qu'est-ce qu'il est beau... Son visage est si... Parfait. Comme Sarah, alors que moi, je suis juste une fille banale, sans particularité. Ses paroles résonnent dans mon esprit : « Tu es très belle, Eléna. ». Il est si gentil et mignon, ce Maxime. Comment puis-je être belle ? Avec la tête que j'ai ! À mon avis, c'est qu'il n'a jamais vu de fille de sa vie !

J'arrive devant la porte vitrée de la cuisine et sens une bonne odeur, le gâteau aux cerises ! Je me précipite à l'intérieur pour le déguster avec ma mère.

     * * *

La journée finie, je pars me coucher. Je m'allonge dans mon lit et ferme les yeux. Tout ce à quoi je pense est ce que j'ai vécu cette après-midi avec Sarah, les monstres toujours aussi terrifiants et affreux, les combats ainsi que notre mission de les vaincre, et, ma rencontre avec Maxime. Les images de notre échange me reviennent en boucle, comme un film. Comme si c'était trop beau pour être réel.

_ C'était vrai, n'est-ce pas ? Me questionnais-je moi-même. Maxime, tu es bien réel ?

Je revois la scène des dizaines de fois dans ma tête, en tenant d'oublier mes interrogations et en me concentrant uniquement sur ce que j'ai vu et ressenti, avant de m'endormir profondément.

Mes amis imaginaires Où les histoires vivent. Découvrez maintenant