Chapitre 6 - Le gris n'est pas que dans le ciel

43 4 14
                                    

La nuit pointait le bout de son nez lorsque Neal, Aya et Melanie faisaient le chemin du retour vers la maison. Ils avaient dû attendre que la pluie cesse son ruissellement abondant, préférant largement arriver en retard pour le dîner plutôt que finir trempés jusqu'à la moelle.

La soupe de Mamie comprendrait.

Le retour se fit en silence alors qu'ils marchaient prudemment le long des sentiers boueux. Leurs chaussures s'enfonçaient dans la terre humide et manquaient glisser à certains endroits que les arbres ont failli à protéger de la pluie. Les nuages gris, superposés à la noirceur naissante du ciel, étaient lourds au dessus de leurs têtes. En d'autres circonstances, Neal aurait certainement fait remarquer comme il était dangereux de se trouver dans la forêt à cet instant, compte tenu de la météo. Mais ses pensées étaient ailleurs, là ou elles semblaient errer de plus en plus ces derniers temps.

Je n'aurais pas supporté être témoin d'un bonheur que l'on m'a volé.

A quel moment cette histoire a-t-elle débuté ? Qu'était-il donc arrivé au père de Lysandre ? Ce dernier était-il coupable ? Ou innocent comme il le clamait ? Le journal était très visiblement dédié à quelqu'un ; qui était cette personne à qui il s'adressait par son biais ? Erwan, Angela et d'autres personnages mystères auraient-ils eu un rôle dans l'affaire ? Que ressentait Lysandre au moment où il rédigeait son journal ? Les dates se suivaient, le journal avait donc été écrit régulièrement sur des jours successifs ; quel était l'état d'esprit de Lysandre ? Quelle était cette vérité qu'il tenait tant à communiquer ? Et enfin la question qui mettait la patience de Neal à rude épreuve : qu'était-il arrivé à Lysandre après tout cela ?

Neal soupira. Ses questionnements tourbillonnaient sans cesse à l'intérieur de son crâne et semblaient se multiplier, gagner en vitesse au fur et à mesure que le mystère s'épaississait. Mais il ne s'agissait pas que de ses neurones qui s'agitaient.

Son cœur aussi.

Neal ne trahissait aucune émotion tandis qu'il faisait la lecture à Aya et Melanie, mais il ne pouvait s'empêcher de ressentir un élan de compassion envers Lysandre. A chaque page, à chaque mot qui suivait l'autre, son cœur se pinçait un peu plus. Il n'avait jamais été particulièrement sensible, mais lire les malheurs de Lysandre – même s'il n'en connaissait pas la source – avait le don de l'affecter.

Les lumières de la cuisine devinrent tout à coup visibles quand les trois personnages atteignirent la lisière de la forêt. Aya se sépara de leur petit groupe pour rentrer chez-elle, et Neal qui l'observait partir laissa son regard s'égarer un peu trop longtemps. Chose qui n'échappa pas à Melanie, qui se garda toutefois de commentaire et pénétra dans la maison de ses grands-parents.

— Le dîner est froid, gronda gentiment Mamie depuis la cuisine.

— Désolé, on était en train de... hum... nous promener. La pluie nous a pris au dépourvu.

Neal n'était lui-même pas convaincu par son ton, mais du moment que ça passait, il n'en souciait pas tant que ça. D'ailleurs, pourquoi avait-il dû mentir ? Il aurait très bien pu mentionner leur tout nouveau passe-temps. Cependant, Neal avait la sensation que le secret se raccrochait au journal, et qu'il ne fallait pas le divulguer.

Melanie confirma son maigre mensonge – avec, heureusement, davantage de talent.

Quand le dîner tardif fut achevé, Melanie attrapa Neal par le bras.

— Suis-moi.

Elle le traina à travers le jardin jusqu'à la propriété voisine. C'est là que Neal commença à paniquer.

Theory of a Dead ManWhere stories live. Discover now