Chapitre douze

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Chapitre douze, Jay

Je n'ai pas fait grand-chose de mes journées, à vrais dire. Ni de mes nuits, d'ailleurs. Je suis resté cloitré dans ma chambre, seul, Lucas préférait jouer avec Grace et son frère plutôt que de jouer à la Play à côté d'un adolescent dépressif. Et ça me rendait encore plus dépressif de savoir que je l'étais.

Pendant une semaine entière, je dormais, mangeais, zappait devant la télé. Je n'allais pas au lycée, Elie pensait que j'étais malade. J'ai bien faillit aller chez un psy, finalement le projet a été oublié, bien heureusement. Je ressemblais plus à une masse d'organe, qu'a un homme, j'étais affalé à longueur de temps sur mon lit, ne mangeant que si on m'apportait de la nourriture. Grace venait me tenir compagnie quelques minutes après l'école, elle me racontait sa journée, toute excitée. Je ne voulais voir personne. Des gens toquaient à la porte. Tous les matins Tad David et Derrick passait voir si je venais au lycée. Le soir c'était Amina qui demandait à me voir parce qu'elle avait une info super importante à me révéler. Mais je savais qu'elle mentait. C'était juste pour pouvoir entrer.

Un jour, je ne savais plus lequel c'était, j'étais épuisé. Comme d'habitude. Je pensais a Félicité. A ses cheveux. A sa bouche. Je m'imaginais des trucs inimaginables que j'aurais pu vivre avec elle, et ce n'était pas que du sexe. Pas que. La maison était silencieuse, on devait être en pleine après-midi, les parents au travail, les gosses à l'école. Et puis dans ce silence de mort, trois coups de feux ont retentit. Je n'y ai pas fait attention. Mon imagination, un chasseur, je n'en savais foutrement rien mais je ne voulais foutrement pas le savoir. Mais ils ont repris. Deux fois. Plus proche. Je me suis levé d'un coup. J'ai ouvert comme un con grand les volets. Et j'ai entendu des cris. Pas des cris de douleur ou de peur. Des hurlements de joie. Il y en avait plein. C'était une foule qui attendait dans ma cour. Je suis d'abord resté bouche bée. J'ai observé les lycéens. Je connaissais la moitié simplement de vue, il y avait des gars de l'équipe de basket, des groupes de filles, des poufs, des timides, des intellos, des sportives, il y avait aussi des gens de ma classe, des collégiens, des gens qui filmaient tout, des gens avec des affiches : "Jay, revient avec nous !" Tad David et Derrick faisaient le plus de bruit. David m'a regardé, son flingue à la main, comme pour me dire : "tu vois que j'étais capable de te faire sortir" Tad, dans une autre philosophie, semblait dire " Heureux de te revoir, frérot" et Derrick ... C'était Derrick.

Et puis il y avait Amina, à droite, un peu écartée des autres, qui souriait. Et c'était elle que je voulais voir. Pas tous ces gens. David savait tout comme moi qu'ils n'en avaient rien à faire de mon absence. Mais il était arrivé à les emmener jusqu'à chez moi. C'était sa manière à lui de me faire bouger.

Alors j'ai enfilé un jean, un tee-shirt propre, j'ai enrobé mon corps de déodorant et je suis descendu.

J'étais excité, j'avais peur, aussi. Peur des questions, de devoir tout expliqué. Mais ça n'a pas été le cas. J'ai à peine tourné la clé dans la serrure que la porte s'est ouverte de l'extérieur, laissant entrer une horde d'adolescent en furie. En tête, David hurla :

- Tous sur lui !

Et ils se sont tous jeté sur moi. Je n'ai clairement rien pu faire. Deux mecs baraqués m'ont soulevé de terre pour me secouer dans les airs. J'étais entre le viol de propriété et le sentiment d'être une star internationale. Mais ils étaient trop pour que je leurs résiste, alors je me suis laisser emporter par la foule jusqu'au lycée. Les gens courraient, hurlaient, chantaient à tut tête, les mecs me faisait des accolades familière, les filles m'embrassaient sur la joue, et je ne savais vraiment pas quoi faire. Tad a passé fraternellement son bras sur mes épaules en me secouant un peu, souriant. Derrick m'a sauté dessus en criant "victoire !!". Derrick, quand à lui, n'a fait que me sourire de toutes ses dents pointues.

Et puis arrivé au lycée, la sonnerie de l'après-midi à retentit, tout le monde est parti, quelqu'un m'a tendu mon sac de cour. Est-ce qu'ils étaient allé fouillé dans ma chambre ? Je n'y croyais pas, mais j'étais trop empreint de cette énergie positive pour y penser. Amina m'a rejoint et mes amis sont partis d'un coup. Elle a marché rapidement jusqu'à moi, toujours Nikel, et elle a ouvert les bras. Je l'ai prise dans les miens sans hésiter pour la soulevée de terre. Amina allait m'aider. Encore mieux que David venait de le faire. Amina était une amie précieuse, chaque jour elle me le prouvait. Je ne la considérais plus comme "la copine de la sœur de Féli" ni "la pote à Féli" ni "mon lien avec Félicité", c'était mon amie, je le sentais.

- Content de te retrouver, Amy.

- De même, mon Jay.

La semaine suivante je retournais au lycée comme avant. Je partageais mes journées entre les potes le matin, Amina l'après-midi. C'était une nouvelle routine. Et sans Félicité, je détestais la routine. Elle me manquait. Ça faisait déjà deux semaines qu'elle était partie. J'avais peur qu'elle ne revienne que dans deux ans, ou même plus, si ça se trouvait. Peut-être bien qu'elle en reviendrait jamais. Et ça me faisait flipper. Je ne voulais pas tourner le page, mais ... Je voulais vivre.

Ce lundi matin, les gars était passé me prendre. Ça faisait idiot qu'ils fassent un détour jusqu'à chez moi, comme si j'étais un enfant, mais c'était une lointaine habitude.

J'ai salué tout le monde, mais pour une fois, David ne m'a pas appelé par mon nom de famille, Tad n'a pas souri et Derrick non plus. Même pas de regard carnassier, rien.

- Qu'est-ce que vous avez bande de dépressifs ? J'ai demandé pour les faire rire.

Aucuns d'eux n'a répondu.

- Eh ! C'est moi celui qui pleurniche toute la journée, je vous ai contaminé ou quoi ?

Tad à lever la tête vers moi, mais il n'a rien dit. Tout le monde s'est arrêté de marché. Pour une fois David ne monopolisait pas la parole, il était même muet comme une carpe. Derrick frappa un mur rageusement. Le cerveau de Tad avait l'air en surchauffe.

- On est dans la merde, Jay. David Derrick et moi, on est dans une merde sans nom. A simplement dit ce dernier, sérieusement.

Je n'ai pas su quoi dire. Comme d'habitude. Tad a soupiré et a recommencé à marcher. Il était déçu de moi, ça se voyait, comme si j'aurais pu trouver une solution.

- Hé, mais il s'est passé quoi ? Raconte ! C'est à cause de vos petits trafics ?

- Ouais, nos "petits" trafics, comme tu dis. A grogner David. On s'est fait voler tous nos stocks. Les gens veulent des remboursements.

- Combien ?

- C'était l'équivalent de 1000 balles.

- Je suis largué. Les gens vous ont payés, mais n'ont pas reçus leurs colis ? Mais alors vous avez leurs argents ! C'est quoi le problème ?

- Le problème c'est qu'on a déjà dépensé le fric, du con !

- En si peu de temps ? Revendez tout ! Qu'est-ce que ...

- On à payer les soins de Derrick, d'abord. Et puis deux trois services. Et on à donner sa part au boss. Ça ne se revend pas, tout ça, tu me prends pour un débile, Jay ? A hurler Tad.

J'ai soutenu son regard.

- Si il ne vous faut que de l'argent ... Je peux prêter. Enfin, une partie, j'imagine.

- Non, c'est interposé Tad. Je ne veux pas avoir de comptes à te rendre.

- Qu'est-ce que je peux faire ? J'ai insisté.

Et David a souri comme si il avait déjà tout prévu. C'était le cas. Tad a secoué la tête en se la prenant dans les mains. Derrick m'a regardé intensément avec une lueur dans ses yeux qui disaient : "t'en sera jamais capable".

Mais j'en étais capable, j'avais rien à perdre. Plus rien. Je sentais que ça allait bousculer mes habitudes, au moins.


Emotional Curse (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant