Chapitre 8 : Greta

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Je ne sais réellement dans quel but j'écris ce carnet. Je ne veux pas qu'il soit lu, mais je veux par-dessus tout qu'on sache. Ecrire ma vie, cela me semble prétentieux, non ? Ma vie mérite elle d'être raconté ?

Un jour, j'en avais discuté avec mon cher époux. Et cette phrase avait fait echo dans ma tête, et resonait toujours en moi. « Les gens heureux n'ont pas d'histoire ». C'est vrai, si j'avais pu faire ce qui me rendait heureuse, cette histoire serait sans doute bien moins interessante. Mais je m'égare, pardonnez une vieille femme aimant un peu trop réfléchir.

Ou en étais-je ? Oui bien sûr, mon depart en France. Oh à vrai dire, ma vie là bas ne fut pas bien interessante. J'étais enfermée dans cette routine ou l'on attendait de moi que je devienne une jeune femme bien. Chose qui n'arriva jamais, au grand damne de mon père. Je passais de soirée mondaine en couvent, passant par quelques salles de cours de professeurs particuliers, de la danse à la broderie, en passant par les sciences, la philosophie et la théologie.

J'étais une jeune femme plutôt intelligente, mais j'avais toujours ce petit trait de caractère qu'aucune femme ne devait posseder : une insatiable curiosité, ainsi qu'un irrépréscible besoin de liberté. Et si je n'étais pas devenue une jeune femme bien comme il faut, je m'étais enormement calmé, particulierement grâce à certains de mes professeurs. Avec l'un en particulier, le plus jeune. Il était un jeune diplomé en littérature, ses connaissances étaient immenses et ses conversations très interessantes. Surtout, en sa présence, j'étais autorisé à quitter la résidence de ma tante chez qui j'avais logé principalement pendant quatre années pour me promener le long de la Seine. Tout était beau, à Paris. Il y faisait bien moins froid que dans ma Hollande natale, et l'art semblait y proliferer depuis des siècles. Les bâtiments eux même qui formaient la ville lumière me paraissait être des palais de contes de fées. Ces sorties étaient ma bouffés d'air hebdomadaire, voir même quotidienne. J'appréciais ce beau jeune homme, et en secret, il est devenu mon amant. Oh, ne vous emballez pas, nous étions deux jeunes gens de bonnes éducations. Nous nous contentions de nous balader main dans la main dans les petites ruelles ou on ne nous connaissez pas, et de deposer un timide baiser sur les lèvres de l'autre de temps en temps. Rien de bien grave. Du moins, tant que ma tante ne le savait pas. Il était hors de question de ruiner mon honneur pour un petit professeur. Il avait beau être jeune et brillant, il n'était clairement pas du même rang social que moi. J'étais jeune, je n'avais que 19 ans alors.

Je ne saurais dire si j'ai été heureuse à ces moments. Je crois que oui. Mais je n'étais pas amoureuse de lui. J'étais libre, libre de corps, d'âme et de cœur. Du moins, c'était ce que je voulais, car mon cœur d'enfant et mon orgueil mal placé me rappelait toujours que le premier homme que j'avais porté dans mon cœur m'avait purement et simplement ignoré. Je m'éloigne encore une fois du sujet, c'est une manie. Après tout, ce sont mes mémoires, j'ai bien le droit de m'y exprimer librement ? Oh l'âge n'a toujours réussi à apaiser mon caracère. Enfin, je disais donc, je n'étais guère amoureuse de mon jeune professeur, pourtant, être ainsi séparé de lui si violement pour un retour prématuré aux Pays-Bas ne m'avait pas ravi. Mon quotidien me suffisait et me plaisait. Mais tout bascula à mon retour.

Ma tante, qui nous avait surpris lorsque nous échangions un baiser, avait tout raconté à mon père dans la lettre que je devais lui donner moi-même en rentrant au palais. Je m'y étais plié la tête haute, il n'y avait rien dont j'aurais pu avoir honte. Je crois avoir toujours dans mon dos quelques marques des coups de fouets que mon père a lui-même fait claqué sur mon dos pour me punir de mon insolence, si même les punitions intellectuelles ne suffisaient plus, les physiques prenaient le relais à présent. J'avais mal, une douleur terrible, je n'avais jamais ressenti cela. Pourtant, et après verification par un medecin de mes dires, on me trouva encore vierge et décida de me marier rapidement. Et mon père avait l'embarras du choix. Mon retour au pays n'étaient pas passé inapperçu. Ma famille avait pourtant perdu de sa splendeur d'antan. Les mines d'argent avaient commencés à perdre de leur productivité, et je n'étais pas stupide. Mon éducation à Paris, sans parler des goûts de luxe de ma mère avaient coûté très cher à mon père, qui avait perdu une importante partie de ma dot en tentant de m'inculquer les bonnes manières.

Une grande fête fut donner pour mon retour. On couvrit mon dos meurtris de bande cachant le sang qui pourrait encore s'échapper de mes plaies sous le corset qui me coupait le souffle et affinait ma taille. J'étais belle, ça ne faisait pas l'ombre d'un doute. Mais la rumeur de ma faible dot rebutait maintenant quelques uns de mes prétendants, les plus riches, du moins. Ou en tout cas, cela rebutait les pères de mes prétendants qui, eux, aurait bien mis dans leur couche une si belle épouse. Pour eux, je n'étais que cela. Cette soirée fut un echec, et mon père ne trouva personne pour prendre ma main. Alors, il me fit sortir. Il m'emmenait dans toutes les receptions, à tous les diners, les fêtes auxquelles il était invité. J'avais appris à m'y taire, mais je n'en pensais pas moins. Ce n'était que des mauvais moments à passer.

Mais une soirée, un jour, fut différente des autres et changea tout. Elle se déroulait chez le plus grand mécène d'art de la ville. Et ce soir là, je l'ai revu. Et pourtant, ce ne sont pas ses yeux de chats, ou sa chevelure ébène qui fut le plus terrible pour mon avenir. Mais il était là, un peu plus grand, les épaules plus larges, et encore et toujours, il était celui garçon aux yeux vert et aux cheveux plus noir qu'une nuit sans lune.

Le portraitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant