Le portrait

Chapitre 9 : Nora

Devant ce tableau de maître, je ne bougeais pas, imaginant un homme aux cheveux sombre et aux yeux perçant, glissant son pinceau sur la toile, vêtue d'une tenue simple et couverte de tâche de couleur. Dans son dos, dans l'ombre, je voyais une jeune femme, vêtue, elle, d'une sublime robe. Ce Ian, après des recherches, je n'avais pas réussi à la trouver. Un Ian peintre en Hollande au XVIIIeme, il y a des dizaines, peut être même plus. Je savais que sa mère était française, mais c'était bien le seul détail de ce journal. Quant à Greta, je ne connaissais ton prénom que grâce à sa signature. Je ne connaissais ni la ville d'où il venait, ni aucun nom de famille. Je ne savais rien de ces personnes, et pourtant, je connaissais tout ce qui s'était passé dans leurs vies.

Alors j'étais dans ce grand musée, à chercher sur chaque étiquette un mot, un nom, une description qui pourrait m'aiguiller. Mais j'y avais passé des heures, et aucun tableau d'un Ian qui pourrait être le mien, du moins, pas plus que l'autre. Le seul nom de tableau que j'avais était « Petite Demoiselle », mais de celui là, je n'avais pas de peintre. J'étais curieuse, je voulais savoir. Mais je ne voulais pas qu'on me prenne le tableau, ni le carnet. Peut être que sa place était dans un musée, mais je trouvais trop triste de laisser ces deux petites merveilles à la portée de tous. Cette histoire m'avait profondément marqué. Mon empathie habituelle avait doublé, triplé même avec cette histoire. Je voulais en savoir plus, mais je ne me voyais pas demander à un professionnel, de peur de me les voir confisquer pour une étude plus poussé. Cela peut paraitre égoiste, pourtant, je ne pense pas que Greta aurait souhaité voir son carnet et son tableau dans un musée. Sa vie n'aurait pas due être connu de tous, c'était comme un secret que je voulais garder, que je partageais avec cette femme pourtant morte il y a des siècles, comme si ce petit carnet était un lien secret entre nous, un echo qui avait traversé les âges.

Finalement, une voix me sortit de ma reflexion. Une voix d'homme, un peu plus vieux que moi.

« Vous semblez captivé par ce tableau. »

Je redressais la tête. Nous n'étions que deux dans la pièce, il ne pouvait ne parler qu'à moi. Je n'eus pas le temps de répondre qu'il continuait :

« Vous n'avez même pas remarqué ma présence, je suis là depuis une dizaine de minute déjà.

-Vraiment ? » repondis-je, sortant tout juste de ma transe de reflection, pas tout à fait au mieux de mes capacités.

Il m'offrit un grand sourire avant de rire doucement.

« Moi aussi j'apprécie enormement ce peintre.

-Oh oui, c'est vrai que ses traits sont très doux.

- Vous le connaissiez avant de venir ?

-Peut être, je ne suis pas sûre... » m'étais-je contenté de répondre.

Il fronça les sourcils. C'est vrai, généralement, on connaissait un peintre, ou on ne le connaissait pas. Mais moi, je connaissais un Ian, à travers les descriptions de Greta, mais je ne savais pas du quel il s'agissait. Je m'étais assise là un peu au hasard, face à la peinture d'un Ian qui m'inspirait le plus. La periode correspondait, puisque mon Ian devait être née en 1717 ou peut être 1718. Je ne savais pas pourquoi, mais c'était celui là, cette vue d'une femme de dos, face à ce grandiose paysage, de cheveux blond et bouclé porté par le vent me rappelait une scène que j'avais lu, et que j'avais presque l'impression d'avoir vécu.

Finalement, il me sourit à nouveau, me tendit la main et annonça doucement :

« Clément, enchanté. Je fais une thèse sur ce peintre

-Eléonore, mais appelez moi Nora de même. Et... J'ai peut être quelque chose qui vous pourrez vous interesser, seulement si vous me promettez de me le laisser si je vous le montre »

Et je glissais ma paume dans celle de ce jeune homme, aux yeux vert et aux cheveux ébènes.