1. TRADITION DE PAIX

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Statria arriva plein de félicité devant la porte des appartements du chaman. Une question l'obsédait. Comment ce cher Netro pouvait-il ne pas encore être au centre du cercle, alors que le reste de la tribu était déjà en pleine ébullition ? Face à lui l'imposante bâtisse en basalte ne lui apporta aucune réponse.

- Netro ! Netro ! Netro ? s'écria Statria en tambourinant à la porte.

- Oui ! S'insurgea le chaman en gardant les yeux clos.

Statria entrouvrit la porte et passa sa tête par l'ouverture.

- Je ne vous vois pas, où êtes-vous ? demanda l'intrus.

- Sur ma couche, en face de toi !

- Vous dormiez ? Mais c'est aujourd'hui que débutent les cérémonies du Kibouki !

Netro reprenant doucement ses esprits.

- Oui c'est exact, je vais me lever dans un instant.

- Bien, répondit Statria l'air ravi. Puis-je faire quoi que ce soit pour vous être agréable ?

- Pas dans l'immédiat.

- Bien.

Il resta un moment immobile toujours dans la même position d'attente ridicule, sans pour autant dire le moindre mot, ce qui agaçait visiblement son interlocuteur. Il finit cependant par se résigner à refermer doucement la porte. Une fois le calme revenu, Netro continua de surveiller l'entrée pendant quelques minutes, puis quand il fut sûr que l'idiot qui lui servait d'assistant ne reviendrait pas, il s'affala de nouveau sur sa couche et tenta de se rendormir. Cet homme pouvait bien lui avoir été fidèle depuis toujours, il n'en restait pas moins d'une stupidité affligeante. Voilà une chose qui l'énervait au plus haut point. Malgré cela, Statria était un bon élément qu'il pouvait conduire à sa guise pour organiser de nombreuses choses qui ne nécessitaient pas une trop grande réflexion. Peut importe l'énergie qu'il mettait pour le chasser de son esprit, il gardait maintenant l'image de Statria, restant immobile devant lui. Puis-je faire quoi que ce soit pour vous être agréable ? S'il ne connaissait pas cet homme de fond en comble, il aurait pu le soupçonner de se moquer de lui, mais le brave n'était pas capable d'une telle chose. Il était d'une bonté et d'une pureté à toute épreuve.

Lorsqu'il finit par se lever, Netro remit soigneusement de l'ordre dans sa longue chevelure brune qui lui arrivait jusqu'aux épaules, puis enfila un long pagne sombre. C'était un homme d'une cinquantaine de révolutions, dont le corps était aussi vif et puissant que l'était son esprit. Ce corps et cet esprit avaient exploré les endroits les plus arides du monde des vivants, ainsi que les endroits les plus terrifiants du monde des morts, et rien n'avait pu l'effrayer. Le haut de son corps était nu et sa peau mate était le refuge de nombreux tatouage ainsi que de nombreuses scarifications qui étaient autant de témoins de son incroyable chemin de vie. Après avoir dévoré quelques dattes, il du se résigner à sortir pour organiser les derniers préparatifs. À l'extérieur, la chaleur était déjà étouffante. Le village était en effet installé proche des rives du Vhil, le majestueux fleuve qui parcourait le pays de Masir, pays en grande majorité dévoré par le désert. La tribu était organisée autour de la demeure du chaman. C'était l'un des trois bâtiments avec celui du chef de guerre et celui de l'orfèvre à être construit en pierre. Pour le reste de la population, chaque couple possédait sa propre hutte qu'il pouvait agrandir à sa guise en fonction du nombre d'occupants.

Netro marcha jusqu'à l'ancien foyer puis s'assit en tailleur au centre du cercle. Quand les veilleurs l'aperçurent, ils commencèrent à jouer du tambour, et quelques personnes s'approchèrent de lui pour déposer des petits pots contenant de l'or ainsi qu'un peu de nourriture. Netro, impassible à toutes ces offrandes, resta parfaitement immobile. Une lourde malle fut également déposée, et le reste de la tribu se regroupa autour de lui.

La tribu des hommes libresWhere stories live. Discover now