Citrouille mignon

Chapitre 3

Quelques jours passèrent avant que Mathilde n'ait le courage de prendre son téléphone.

Moi, 09h24
> Partons du principe que c'est mort pour un truc romantique parce qu'on ne sait pas comment je peux réagir... Est-ce que ça te dit qu'on soit pote ? J'ai quand même envie de continuer nos discussions.

Elle coupa ensuite son portable par peur et pour tenter de se concentrer. La matinée passa ainsi, entre ses cours et son téléphone éteint qui la narguait. Son cœur ratait des battements ou accélérait de façon inexpliquée tandis qu'elle imaginait diverses réponses possibles ou une absence complète de réponses.

Finalement, son voisin de table, Mathieu, lui donna un coup de coude, très exactement 17 minutes avant la pause de midi et lui grogna à voix basse :

« Rallume ce foutu téléphone et regarde si tu as une réponse, tu vas me demander tous les cours de la matinée, là. »

Elle se retint de rire nerveusement à cette remarque : il la connaissait bien maintenant. Frottant nerveusement son bras gauche, elle se souvint de leur rencontre en première année de licence. Côte à côte dans un cours où la professeuresse avait demandé à ce qu'iels se mettent en groupe de deux. Ne se connaissant alors pas, iels s'étaient tournæs l'un vers l'autre et, dans un magnifique haussement d'épaules simultané, iels avaient décidæ de travailler ensemble.

Depuis, iels s'étaient souvent retrouvæs à discuter des déboires amoureux de Mathilde. Mathieu affichait souvent une incompréhension sincère du fait de son aromantisme mais l'écoutait volontiers sans rien dire, accompagnant ces moments de chocolat sous différentes formes. Il préférait les pâtisseries et, utilisant le célèbre cliché asexuel, lui disait que le gâteau, c'était mieux que le sexe. Souvent quand elle faisait des blagues à caractère sexuel qu'il ne comprenait pas. Elle prenait toujours le temps de lui expliquer et il la regardait toujours comme si c'était un autre monde.

C'était aussi l'ami sur lequel elle pouvait compter. Elle se souvenait du jour où elle avait débarquée à une heure indue, après avoir été agressée sexuellement. Il lui avait donné des vêtements propres et confortables et lui avait préparé un chocolat chaud pendant qu'elle pleurait sous la douche. En en sortant, elle n'avait pas eu envie de parler. Alors il avait allumé sa console et iels avaient jouæ aux jeux vidéos toute la nuit. Pas de détails, pas d'injonction à aller voir la police. Juste ses désirs respectés.

Peut-être que ça changerait et qu'elle pourrait aussi compter sur Jin Hyun si iel le voulait ?

Elle lui adressa donc un sourire et attrapa discrètement son téléphone pour le rallumer sans que le professeur ne la voit faire. Elle souffla et pesta en silence devant la lenteur habituelle de l'appareil. Pourquoi, quand elle attendait quelque chose, cela prenait-il toujours plus de temps ?

Enfin, son portable fut fonctionnel et elle nota avec plaisir la petite icône indiquant qu'elle avait reçu un message.

Mais peut-être était-ce quelqu'un d'autre ?

Son sourire retomba immédiatement et elle eut peur de l'ouvrir.

C'est alors qu'un coup de coude arriva dans ses côtes et elle émit un aïe à demi-voix tout en fusillant Mathieu du regard.