La poupée de porcelaine

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La poupée en porcelaine sur l'étagère, celle au teint blafard et aux yeux creux, vides de toute émotion. Malgré le temps elle ne bouge pas, elle ne change pas. Elle reste la même, les mêmes détails insignifiants sur son visage n'ont pas bougés, son nez légèrement retroussé, ses cils parfaitement recourbés, les extrémités des ses lèvres un peu remontées. Comment fait elle pour paraître si parfait aux yeux des gens ? Comment cache t'elle les innombrables secrets, les inavouables mensonges, les immondes verités qu'elle a enfoui au plus profond d'elle ? Personne ne saura jamais rien, elle se l'étais promis ; elle garderait tout pour elle, pour ne plus être blessée. Elle resterait là. Sur l'étagère, immobile pour toute l'éternité. Elle ne parlerait ni de son passé,  ni de ses sentiments, elle resterait une poupée en porcelaine, un simple jouet, une simple décoration qui ferait peur aux enfants la nuit, une bricole idiote mais qu'on garde en souvenir pour faire des photos effrayantes et se moquer de ce teint blanc et de ce regard triste, de ce sourire trop forcé pour être vrai, de ces cheveux aussi sombre que la nuit. Elle ne servait pas à grand chose là-haut sur l'étagère et elle savait que si elle venait à disparaître personne ne s'en soucierais car elle n'était pas indispensable cette poupée aux cheveux de jais. Elle était seule et ne parlait pas, elle s'ennuyait sur cette étagère mais ne partait pas, par peur de l'inconnu peut-être. De toute manière, elle avait peur de tout, de l'abandon, de sombrer dans l'oubli, de rester là-haut perchée sur cette maudite étagère, de la quitter, elle avait peur que personne ne viennent jamais la chercher, peur que personne ne la sauve de cet enfer, peur d'etre rejetée comme tant de fois auparavant. Mais cette immonde étagère, cette sombre et triste étagère où il n'y avait que cette triste poupée avait quelque chose de rassurant, de réconfortant, voilà pourquoi la poupée refusait de la quittée, sa bonne vielle étagère. Mais la poupée n'était pas heureuse, elle n'était pas non plus malheureuse, non, elle était entre les deux. Dans un vide, un vide où elle seule parvenait à entrer, un vide simple, morose et sans couleur, un peu comme la vie de la poupée. Tant de fois on lui avait dit que le bonheur était chose fragile, incontrôlable mais elle l'avait compris trop tard et aujourd'hui elle regrettait du haut de son perchoir. Sa vie, ses erreurs, ses souvenirs tout ça la hantait jour après jour. Elle voulait mettre fin à cela. Fin à cet enfer. Elle voulait partir, partir et ne plus jamais revenir. Ne plus se rasseoir sur son étagère, ne plus observer le monde poster à deux mètres du sol. Ne plus servir de jouet, de modèle pour faire de terrifiantes photos, elle ne voulait plus qu'on ait peur d'elle, qu'on la fuit par crainte. Elle voulait  regoûter au bonheur, retrouver un vrai sourire, le sien qu'elle avait après tout ce temps balayer de sa mémoire. Elle voulait retrouver la sensation que l'on ressent quand on vit. Cette douleur au ventre, à force de rire. Le vent qui nous chatouille le menton et emmêle nos cheveux. Cette sensation de légèreté quand on chante et qu'on danse. Elle voulais retrouver sa vie d'autrefois, sa vie avant l'étagère, de la chambre grise de la petite maison au coin de la rue. Et pour cela, il n'y avait qu'une seule solution, il fallait qu'elle quitte cette étagère. Mais en descendant de l'étagère, elle tomba sur un miroir brisé. Elle observa son reflet quelques minutes, deux perles salées tombèrent sur sa joue gauche. Elle ferma les yeux. Et quand elle les rouvrit, je réalisais alors, que j'étais la poupée de porcelaine. Que l'étagère était ma vie.

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