Textes en vrac

Le Noël de la Mort

C'était déjà la veille de Noël... La joie régnait dans les villes, les rues sentaient bon le pain d'épice, et les jouets pour enfants remplissaient les grands magasins. Et pourtant, il n'y a qu'un seul endroit sur Terre où le bonheur n'inondait le cœur de personne... En effet, quelque part sur une île au milieu du triangle des Bermudes se cachait une ville... Mortipolis était son nom... C'était une ville comme les autres, sauf que les gens qui habitaient là étaient... Comment dire... Oui, c'est ça... Morts... Aucun sentiment, si ce n'est la tristesse, la mélancolie, la nostalgie et tas d'autres émotions similaires, ne se dessinaient sur leur visage... La ville était en elle-même morne et grise, éclairée seulement par les lumières blafardes des lampadaires, constamment allumés, et dont le ciel couvert de nuages noirs ne faisaient qu'ajouter à la dépression lente des âmes habitant sur cette petite île... Les rues vides et silencieuse se succédaient les unes après les autres, séparées par des immeubles hauts et délavés par les pluies si courantes ici...

Tout reflétait l'état d'esprit du créateur de cette île, la Mort, aussi connu sous le nom de la Faucheuse, l'Ankou, la Muerte,..., mais celui qu'il préférait était Mortys. Assis sur une chaise devant un bol de café nauséabond, ce dernier lisait le journal. Les nouvelles étaient excellentes du côté de l'Europe, comme d'habitude en ce jour précédant Noël... En revanche, un lourd tribut d'âme à ramasser s'annonçait devant lui au Sud... Guerres, famines, crises, maladies... Il leva les yeux au ciel... Il aurait dû être content d'avoir autant de travail, mais à vrai dire, il était las de faucher les esprits des mourants. Si seulement il pouvait avoir un peu de temps devant lui... D'autant plus que, croyez le bien, les deuils des familles ne le laissaient pas indifférent, et il aurait aimé avoir une femme à qui tout raconter... Il secoua la tête et partit, sous la forme d'un grand corbeau, accomplir sa funeste mission... Cette matinée ne fut pas très chargée, à peine une cinquantaine de personnes âgées parties de leur belle mort après une longue vie heureuse... Une seule âme l'avait forcé à retenir ses larmes... Celle d'une petite fille, partie trop tôt, après avoir mené son ultime bataille contre une terrible maladie...

Oh, elle n'était pas bien grande... Ni bien âgée... Une fillette de 6 ans, peut-être... Avec des cheveux roux comme les flammes, et es taches de rousseur partout sur ses joues... Et de grands yeux verts qui surmontaient deux pommettes arrondies par l'enfance... Et étrangement, elle n'avait pas semblée effrayée par Mortys, dans son grand habit noir comme la nuit, avec son crâne fissuré et ses orbites où brillaient deux points bleus... Au contraire, pendant tout le trajet du retour, elle n'avait cessé de demander comment c'était après, est-ce qu'elle verrait sa grand-mère, où est-ce qu'ils allaient, s'ils étaient bientôt arrivés... ? Mortys n'avait rien répondu... Il avait d'autres choses à penser...

Une fois arrivé à Mortipolis, la petite fille ouvrit grand les yeux en voyant cette ville triste, sans décorations, sans guirlandes... Alors elle dit de sa petite voix, désormais teintée par une colère enfantine, le tout accompagné d'une moue désapprobatrice, d'un froncement de sourcil irrité, et d'un léger zozotement propre à une enfant.

- Monsieur Mort ?, (c'est comme ça qu'elle l'appelait...). Pourquoi il n'y a pas Noël ici ?! Pourquoi tout le monde est triste ? Pourquoi... ?

- Je ne sais pas !!

La petite se tut, coupée au milieu d'une question par le crin exaspéré de Mortys, qui continua en la fixant de ses lumières devenues rouges...

-Je ne sais pas, d'accord ? Je ne l'ai jamais su, de toutes manières... Arrête avec tes questions... Tu ne devrais même pas être là, pas encore... Laisse-moi maintenant, j'ai encore du travail...