Vendredi 7 Novembre
Chers parents,
Cette semaine se sont passées pas mal de choses étranges, voire angoissantes. Surtout par rapport à Joe. On a eu plusieurs gros contrôles surprises lundi. Le lendemain, un surveillant est entré dans la classe en cours de physique pour chercher Joe. Le directeur demandait à le voir. Il s'est levé et est parti sans un regard pour moi. A la fin du cours, mon ami n'étant toujours pas de retour, j'ai voulu ranger ses affaires mais le professeur m'a arrêté et m'a demandé de ne pas m'en occuper. J'ai été obligé de suivre sa consigne et suis allé au réfectoire ; étant seul j'avais un peu peur d'aller dans les couloirs. Je me suis assis avec d'autres élèves et le repas s'est déroulé en silence. Au bout d'un moment, j'ai eu marre de cette absence de bruit et après avoir débarrassé mon plateau, je me suis mis à courir vers ma chambre. Je comptais m'allonger sur mon lit et essayer de réfléchir à l'endroit où Joe pouvait être mais il était là, assis contre le mur, les jambes raides sur son lit bien fait. Il révisait. Quand je suis entré, il a levé les yeux vers moi puis s'est remis à étudier sans un mot.
- Joe ?
Sans détacher le regard de son livre, il m'a répondu d'un ton assez neutre :
- Oui ?
Légèrement soulagé, j'ai pris place à côté de lui et il a contemplé les froissements de drap que j'avais occasionnés d'un air désapprobateur.
- Tu étais où ce midi ? Et qu'est-ce que le directeur t'a demandé ?
Un fin sourire a étiré ses lèvres. Il semblait satisfait, mais froid.
- Il souhaitait me dire qu'avec les contrôles d'hier, ma moyenne avait bien augmenté.
- C'est à dire ?
- Je suis presque à 100%
Je lui ai alors dit que c'était génial, mais je n'y croyais pas vraiment. Ce n'était plus le Joe que je connaissais, il ressemblait de plus en plus aux autres élèves.
J'ai passé le mercredi après-midi entier dans la bibliothèque à chercher des informations sur les quantités de matière en chimie. En revenant le soir dans la chambre, Joe n'était plus là. Mais plus du tout, je veux dire, ses affaires avaient disparu, son lit avait été totalement défait et il n'y avait plus aucune trace de son passage. Je suis aussitôt ressorti de la pièce, voulant trouver quelqu'un, n'importe qui, même un de ces élèves inexpressifs, à qui j'aurais pu poser des questions !
Je n'ai posé qu'un pied dans le couloir. La lune éclairait faiblement le corridor et il n'y avait aucun bruit. Sauf un petit tapement rapide dont le bruit augmentait. Un énorme rat est passé devant moi. Je me suis barricadé dans la chambre et me suis réfugié au fond de mon lit. Ce rat, ou cette bestiole, était énorme et devait bien faire la taille de ma tête !
Le lendemain, je me suis réveillé un peu tard, j'ai du me dépêcher de me préparer et d'aller déjeuner. Tout en avalant la bouillie qui était dans mon bol, je réfléchissais à toute vitesse, Joe m'avait peut-être laissé un message quelque part ? Le midi, je suis retourné à la salle de spectacle. Et oui, j'y suis allé, seul, m'étant rempli de courage toute la matinée. J'ai fouillé la scène et les sièges et gradins que nous avions l'habitude d'utiliser. J'ai même dévissé le projecteur qu'il avait traficoté pour être sûr qu'il n'aurait pas glissé un mot à l'intérieur de la machine ! Mais alors que je le remontais, ma lampe torche s'est soudain éteinte, je n'avais plus de piles. J'ai à ce moment entendu des petits bruits et l'image d'un rat courant entre les gradins vers moi se saisit de moi. J'ai fermé les yeux et suis sorti à tâtons de la salle, me cognant plusieurs fois les genoux dans des sièges. Une fois dans le couloir, j'ai jeté un regard dans la salle en refermant la port et il m'a semblé que deux yeux jaunes et luisants me fixaient. J'ai alors laissé la porte claquer pour prendre mes jambes à mon cou et retrouver des personnes au réfectoire, quoique ces personnes ne semblent pas présentes. J'ai suivi les cours avec assiduité depuis et me suis même avancé dans le programme. Toute à l'heure, j'ai été informé que j'avais 85% de moyenne générale. J'aurais sauté de joie si Joe avait été avec moi. Je me sens terriblement seul..
Clovis
