SEREINE

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Toi, petite fille, tu restes planquée en attendant qu'il vienne vers toi, tu restes dans le noir, espérant qu'il oubli ta présence. Quand ça arrive, tu remercies le ciel de t'avoir épargné pour ce soir, mais tu ne bouges pas, tu restes là, dans le petit coin sombre de ta chambre. Tu n'oses faire un geste qui pourrait trahir ta présence, tu espères que tes tremblements ne le réveilleront pas, non, tu espères plutôt qu'il meurt, alors tu seras libre, et c'est ce que tu veux le plus au monde.

Être libre.

Mais jamais ça n'arriva. Tu passas ton enfance dans l'incompréhension et le début de ton adolescence dans la peur. Il te frappe jusqu'à tes douze ans, puis, se rendant compte que tu es devenu plus vieille, il te laisse tranquille, tu crois enfin qu'il c'est rendu compte de son erreur, tu crois enfin qu'il te voit comme sa petite fille, celle qu'il a engendré, ne te fiant qu'à ton instinct innocent, tu ne l'as pas vu venir.

Ce soir-là, tu vois ton monde s'écrouler, lorsqu'il a fini, un liquide baveux vient t'asperger les cheveux et tu restes couchés, les genoux remonter contre ta maigre poitrine. Le sang coule entre tes cuisses nues c'est à ce moment que tu laisses tomber, tu arrêtes d'espérer, tu cesses d'être une enfant. Tu décides que le monde n'en vaut plus la peine.

Pourquoi se forcerait-on à faire quelque chose alors que nous sachons que nous sommes condamnés peu importe ce que l'on fait. Tu bouges ? Il t'attrape. Tu cours ? Il te rattrape et te fait mal pour que tu ne tentes plus jamais rien, alors tu crois que plus rien ne peut être tenté. Tu crois que ton monde ne se résumera qu'à cet homme qui te veut du mal, mais que tu ne peux pas détester, que tu ne veux pas détester.

Car cet homme est ton père.

Puis, tu te perds, tu essais tant bien que mal de survivre, de te dire que tout va bientôt s'arrêter ou qu'à un moment, tu vas te réveiller, car penser que tout ceci n'est qu'un horrible cauchemar est ce qui te maintien en vie. Puis, une année passe depuis la fameuse nuit et tu ne te reconnais plus. Tu es l'ombre de l'enfant que tu étais, tu t'écroules et reste sur le sol froid de ta salle de bain pendant plusieurs heures. Tu attends, car tu sais qu'il va bientôt rentrer, tu pleures, te demandant pourquoi tu ne t'enfuis pas quand il n'est pas là.

Tu te réponds que tu es trop lâche.

Tu attends des minutes, puis les minutes deviennes des heures, tu fais comme quand tu étais enfant, tu fermes les lumières et tu te recroquevilles dans le coin du bain sale. Tu attends, tu ne sais combien de temps tu es dans cette position mais tu y restes.

Tes paupières sont lourdes, tu ne veux pas t'endormir, mais tu sombres peu à peu dans un sommeil profond. Le lendemain, tu te surprends dans la même position que la veille, aucun son ne te parviens, mais tu restes dans cette position.

Tu restes dans ton bain des heures, puis des jours. Tu sors enfin deux jours plus tard, faible de n'avoir rien mangé, tu remarques que rien dans la maison n'a bouger. Tu t'autorises pour la première fois à te rendre dans le salon.

Tu percutes des bouteilles de bières vides de tes pieds nus. Tu as peur, mais tu oses ouvrir la télévision. Au même moment, la porte lâche une plainte. Tu sursautes. Des larmes remplissent tes yeux et tu fermes la télévision.

Te tente de te cacher, maudissant la télévision au passage. Tu trembles, mais la voix qui sort de la porte n'est pas celle que tu connais. Tu restes figé lorsque tu aperçois cet homme que tu ne connais pas. Il t'explique la situation.

Il est mort.

Tu n'entendis pas ce qu'il dit par la suite.

Tu pleuras comme tu n'avais jamais pleuré.

Enfin.

Enfin, tu étais libre.

***

Elle cessa de lire, un silence inonda la classe, personne n'osa applaudir la nouvelle qui se tenait droite. Les larmes qui coulaient sur ses joues contrastaient avec son visage de marbre. Sans un mot, elle retourna à sa place et la cloche sonna. Personne ne bougea, pétrifié par l'atmosphère de la classe, seule la jeune fille sortit sans un regard pour les jeunes de sa classe.

Ce soir-là, le cœur de la jeune fille s'envola, elle se sentit légère et libre comme un oiseau. Le vent fouettait son doux visage serein et ses pieds se balançait au-dessus du sol. Contrairement à celle qui vivait, malgré elle, les évènements passés de la jeune fille, celle-ci ne vécu jamais de fin heureuse.

La fin heureuse, c'est la mort.

La mort, enfin.

Enfin, la liberté.


Day by day: LifeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant