Partie 4

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Sarania prit sa tête entre ses mains. Il fallait qu'elle fasse quelque chose, ça faisait déjà six mois qu'elle n'avait donné aucune nouvelle à Érine. Pourtant, cette dernière avait eu tellement d'importance dans sa vie ! Pendant leur rencontre, Sarania traversait une mauvaise période. Il n'y avait pas de raison particulière, il y en a rarement à une dépression. Elle ne trouvait juste plus de sens à la vie, à ce qui l'entourait. Mais cela personne ne le comprenait, et pourtant tout le monde essayait.

Seule Érine avait réussi à l'aider. Comment avait elle fait, alors que des dizaines de psychologues plus expérimentés les uns que les autres avaient essayé sans succès ? Eh bien tout simplement, Érine ne savait pas. Elle n'était pas totalement au courant du mal-être de Sarania, ce qui fait qu'elle n'avait pas essayé d'y faire quoi que ce soit... Et c'est précisément cela qui avait fait du bien à la jeune femme. Elle aurait tellement aimé lui parler, communiquer avec elle. Mais pour des raisons physiques, c'était particulièrement dur.

Sarania mit sa main sur sa bouche. Il allait falloir lui annoncer qu'elle était muette, et ça n'allait pas être facile. Un jour, Érine lui avait dit qu'elle n'avait jamais connu ni la lumière ni les couleurs, et que c'était pour cette raison que cela ne lui manquait pas : elle ne savait pas ce qu'elle ratait et ça l'aidait. Sarania fut bouleversé d'entendre cela. Elle, avait connu la sensation de parler, d'avoir une discussion, de se faire écouter. Et elle en était à ce jour privée. Après réflexion, elle comprit que la jeune aveugle avait tort. L'une n'était pas plus chanceuse que l'autre, ce n'était pas mieux d'avoir connu ces sensations, c'était juste différent.

Sarania détourna son regard vers son piano qui trônait au milieu de sa chambre. Elle en était vraiment fière, la musique était selon elle un moyen de communication presque plus efficace que la parole. Elle avait commencé le piano à 12 ans, et depuis elle n'avait jamais arrêté. C'était pour elle une façon de s'exprimer, de faire ressentir ses émotions, une chose qu'elle ne pouvait plus faire par le langage. C'était une libération, elle en avait même fait son métier. Pour elle, la musique ne consistait pas seulement à suivre sa partition, mais surtout à donner de son cœur. Si le sens d'Érine était l'odorat, son sens à elle était bien l'ouïe.

Elle avait rencontré cette dernière pendant ses derniers mois d'année de césure, qu'elle effectuait dans une petite ville dans le sud-ouest de la France. Alors qu'elle se baladait, cette jeune fille sortant du lycée l'avait fortement intriguée. Elle portait une canne et des lunettes de soleil, c'était évident qu'elle était aveugle. Pourtant, sa démarche, son assurance semaient le doute. Elle l'avait donc suivie jusque chez elle, tout en essayant d'être le plus discrète possible. Ça avait été un échec, la lycéenne avait tout de suite remarqué son parfum. Et c'est à partir de ce jour-là qu'elle avait pris l'habitude de la raccompagner tous les soirs.

Sarania s'énerva. Elle rêvassait encore, alors qu'elle avait quelque chose d'important à faire. Il fallait trouver un moyen de communication. Elle ne pouvait pas l'appeler, ni lui écrire de message vu qu'elle n'avait pas son numéro de portable. Il y avait, bien sûr, les réseaux sociaux, mais Érine lui avait dit qu'elle n'était pas dessus, trouvant cela inutile pour le genre de personne comme elle. Érine méprisait les choses inutiles, n'aimant pas perdre son temps. C'est une de ces choses pour laquelle Sarania n'était pas d'accord, selon elle, l'inutilité était indispensable. Évidemment, elle n'avait jamais pu exprimer son désaccord.

La dernière solution était la plus primaire, la lettre postale. Elle avait noté son adresse, à l'époque où elle la raccompagnait. Même si Érine ne pouvait pas la lire, elle pouvait toujours demander sa famille. Oui. C'était une bonne idée.

Sarania s'assit, prit son crayon, et commença à écrire. 

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