Chapitre 3

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Pendant un court instant, je ne sentis rien. Puis, d'un seul coup, une vive douleur me cloua au sol. Les griffes percèrent ma peau poussant mes ongles jusqu'à les faire tomber par terre. Je me cambrais, sentant les os de ma colonne vertébrale se casser puis se déplacer jusqu'à avoir la forme souhaitée. Tandis que ceux de mes bras s'étirèrent, forçant ma peau à s'adapter, mes poils s'épaissirent jusqu'à devenir un pelage uniforme et d'une même couleur, le beige. Une unique tâche noire était présente sur mon poitrail, me distinguant de mes congénères. Mes oreilles grandirent, fières et se recouvrèrent petit à petit de fourrure. Mon visage s'allongea et on put bientôt distinguer un museau et une truffe noire. Enfin, une queue apparue et commença à battre l'air à la façon d'un chat énervé.

Cette transformation dura en tout 2 min mais pourtant, ce ne fut pas éprouvant. La douleur était certes, fulgurante sur le moment mais la sensation d'être en communion avec la nature me faisait oublier tout le reste. Humer le fumet d'un lapin, celui des plantes était un réel plaisir pour mes papilles.

Mes pattes, souples et musclées, m'emportèrent rapidement vers une seule et même direction : les limites de notre territoire. Courir. Ne penser qu'à poser une patte après l'autre. Ressentir la puissance qui courrait dans chacun de mes membres, de mes muscles. Inlassablement. La tête haute et les nasaux dilatés, je reniflais les différentes odeurs. Celle des oiseaux qui, effrayés par le bruit de mes pas s'envolaient, celle des biches et de leurs petits broutant tranquillement l'herbe à quelques kilomètres de ma position et celles se dégageant des petits villages aux alentours qui réveillèrent mon instinct animal. Je n'étais pas favorable à me nourrir des petits animaux. Je les trouvais plus mignons qu'autres choses mais mon autre moi, elle, n'étais pas tout à fait d'accord. Si elle avait faim, elle se servait et je ne pouvais l'en empêcher sachant que je la bridais déjà sur beaucoup de sujets. Il fallait savoir relâcher la pression des fois, même si cela ne m'enchantais pas.

Elle. Mon autre moi. Ma sœur. Mon amie. Ma sauveuse. Et des fois mon ennemi. Nous étions une seule et même entité. Nous nous complétions tel que la nature le souhaitait. Mais nous étions aussi tellement différentes. Le Ying et le Yang. Deux aimants qui s'attirent et se repoussent. Un oxymore à nous toute seule. Nous formions un tout. J'étais elle et elle était moi. Et personne ne pourrait jamais rien n'y changer.

J'escaladais un rocher, puis un autre, et encore un autre jusqu'à arriver au sommet d'une minuscule montagne qui dominait tout de même la vallée. Le paysage était à couper le souffle. Il y avait une immense forêt qui s'étendait sur plusieurs dizaines de kilomètres et au-delà de celle-ci une vaste plaine recouverte d'herbe. La forêt était une limite. Aussi bien pour la nature que pour notre peuple. C'était la fin de notre pays, de notre territoire. Si je franchissais cette limite, j'allais dans un autre pays et je n'étais pas sûre d'être bien accueillie. Non pas parce que les pays frontaliers ne s'entendais pas avec nous, bien au contraire, mais il fallait un laisser-passer ou une autorisation pour y entrer sous risque d'être mis en prison ou pire. C'est pour cela qu'au centre de notre continents, là où les quatre pays se rejoignaient, avait été construit un point neutre. Pour que si besoin, les dirigeants puissent se réunir dans un lieu totalement impartial.

Je secouais ma tête, chassant mes pensées. Il fallait que je chasse. Maintenant.

Le premier lièvre que je croisais n'eût pas vraiment de chance et je n'en fît qu'une bouchée. Malheureusement pour les autres petits animaux, cela ne remplît pas mon estomac. Je continuais. Ma petite partie de chasse dura une vingtaine de minute, jusqu'à ce que ma faim fût comblée mais je continuais à courir jusqu'aux limites nord du territoire. Ici, tout n'étais qu'une vaste plaine, si bien qu'à l'œil nu, on ne distinguait aucune limite. Mais en mon for intérieur, je savais où elle était. Là, à quelques mètres, je la sentais. Comme une immense barrière psychique qu'on ne pouvait voir mais qui existait réellement. Bien sur je pouvais la franchir sans me blesser, mais tous les membres du pays frontalier seraient au courant. Pour eux ce serait comme une intrusion dans leur espace vital, quelque chose de dérangeant.

Je commençais à faire demi-tour quand soudainement je m'immobilisais. Au loin, au niveau de la ligne d'horizon, il y avait des centaines de personnes. Que faisait-il ici ? Aucune idée. Mais des centaines de personnes au niveau des frontières, cela pouvait entraîner quelques questions. Je m'assis, les attendant dans une posture hostile, me demandant ce qu'ils leurs prenaient de venir dans la direction de mon pays. Cela pouvait très bien être le convoi du prince. Je retirai aussitôt cette idée de ma tête. Le prince avait été certes dans autre pays, mais pas celui nous longeant au Nord-Est, non, celui du Nord-Ouest. Et cela faisait toute la différence. Je ne voyais pas de raison et hésitais à rentrer à la capitale prévenir le Roi. Mais malheureusement je m'étais trop éloignée et le temps de faire l'aller-retour, il serait déjà trop tard. Je campais donc mes positions, prête à toutes les possibilités. 

Au fur et à mesure que ces personnes avançaient, je perçus quelques généraux étrangers. Cela devenait de plus en plus bizarre. Une idée fît son petit chemin dans ma tête et quand je me rendis compte qu'elle n'était pas erronée, je défaillis. Non, ce n'était pas possible ! Mais fatalement, c'était vrai. Une armée, se dirigeait bel et bien dans ma direction. Mais ce n'était pas n'importe quelle armée, il y avait certes, de simples soldats, mais aussi des lieutenants, des commandants et en plus de ça des généraux. Ce que je pensais tout d'abord être une centaine se transforma vite en un millier voir plus.

Sur notre continent, les grades ne définissaient pas le nombre de personne que l'on avait sous ses ordres ni même les actes de bravoure accomplis mais plutôt le niveau de puissance de chacun. Ainsi, étant un général avec, avouons-le, un peu de puissance, j'avais environ une centaine de personne sous mes ordres, mais je ne les trimbalaient pas avec moi comme des toutous ! Donc j'étais seule. Dans quel pétrin je m'étais encore fourrée ?

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⏰ Dernière mise à jour : May 19, 2018 ⏰

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