Qui suis-je ?

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Je suis folle, je suis seule. Je me manque.

Je suis ?

Je suis.

Je suis. Pas.

Je ne vois plus clair, des larmes embuent constemment mes yeux. Le monde est comme du coton. Du coton qui pique, qui se perd, qui s'envole, qui vit, et moi, je suis l'eau qui ne sait plus exactement comment s'évaporer. Une eau lourde, tellement lourde de fatigue...

J'ai terriblement faim, je suis d'une faiblesse, mais d'une faiblesse, je ne sais pas comment j'arrive encore à tenir debout. Je mangerais n'importe quoi qui se présente sous la dent, je pourrais manger des camions bennes entiers de friandises, j'ai faim terriblement faim...

Je vois, juste devant moi, mes bras fins comme des os. Mon genou bosselé par mes articulations. Je vois une main vernie, je ne sais plus si je la contrôle correctement...

J'ai horriblement froid. Pourquoi je m'habille si peu ? Mon ventre est à découvert, je porte une jupe trop courte pour cacher mes genoux, alors oui, ils sont beau, mais moche comme je suis, qu'est-ce-que je suis moche... Ils ne sont pas beau, moche comme je suis...

Mais comment je me suis retrouvée comme ça, seule, frigorifiée, moche, faible et affamée ?

Je cligne lentement des yeux, je sens mes paupières repousser l'excès d'eau, et quand j'ouvre mes yeux, je sens mon visage recevoir les frais d'une centaine de larmes cachées.

Je crois que j'ai dormi si longtemps. Pourquoi personne ne m'a réveillée ? Pourquoi je les ais traités ainsi, qu'ils ne me regardent pas ! Pourquoi je m'habille si peu, quelle salope je fais, j'ai honte honte si honte. Mais tout ces gens qui me regardent, qui me surveillent, pourquoi ils font comme si j'avais toujours été faible, laide et frigorifiée ?

Un pion s'approche. Aidez-moi...

- Anoa, qu'est-ce-que tu as ? Tu veux passer un appel au centre ?

- Je sais pas, monsieur...

L'éducateur, habitué aux paroles sans queue ni tête son l'élève, n'y fit pas plus attention. Anoa était, pour lui, un simple gosse qui essayait d'être rebelle, un peu nuisible sans plus. Un élève qui se jouait souvent des professeurs, qui mentait et répondait. Un gosse chiant, rien de plus. Alors le pion s'en allait, ne voulant pas, encore une fois, tomber dans un des pièges d'Anoa.

C'est comme ça que l'adolescente anorexique sentit son front se contracter à nouveau pour froncer ses sourcils, sentant la haine et le sentiment d'abandon lui parvenir, c'est ainsi que les larmes lui revinrent au bord des yeux, que ces mêmes larmes lui firent se sentir vulnérable comme une fourmi, alors pour les empêcher, eux les gens faits de coton piquant, de la traiter de fourmi faible, elle souriait en regardant méchamment mais joyeusement chaque personne qui osait croiser son regard.

Ma vie est parfaite, souriait-elle.

Vous êtes d'horribles lâches, s'énervait-elle.

Aidez-moi, pleurait-elle.

ANOA •Où les histoires vivent. Découvrez maintenant