Au début des années 1930, un mystérieux et beau gentleman haïtien nommé Josué Beauchamp arriva à Liverpool. Il parlait parfaitement français, créole et anglais. L'homme portait toujours un chapeau melon, un costume couleur cèdre taillée sur mesure ainsi qu'un manteau de soie qui le rendaient d'une élégance raffinée. Il ne se déplaçait jamais sans une mallette taillée dans une noble essence de noyer blanc d'Amérique doté d'une poignée en argent finement sculptée en tête de mort. La source de la richesse de M. Beauchamp était un mystère, mais, peu après son arrivée en ville, il acheta une demeure à Pitty Street, une rue située entre le quartier de Chinatown et du ghetto noir où cohabitaient une population très cosmopolite et les voisins de M. Beauchamp découvrit vite que ce dernier était doté de pouvoirs surnaturels.
De sombres rumeurs circulaient autour de la maison de M. Beauchamp. Le Haïtien avait peint tous les murs de sa demeure en noir et des chandelles blanches étaient allumées sur un autel vaudou à la tombée de la nuit. D'étranges battements de tambour émanaient de la maison la nuit, et, quand la lune était pleine, l'on pouvait entendre de curieuses mélopées s'échapper des murs de la bâtisse. Beauchamp, avec son regard hypnotique, avait un pouvoir de séduction tout à fait surprenant sur la gent féminine de tous les horizons. Ces dames lui rendaient visite le soir et certaines se targuaient d'être les femmes d'hommes aisés de la haute société de la ville.
Un soir, des coups de feu retentirent dans Pitty Street et l'on entendit crisser les pneus d'une voiture prenant la fuite à toute allure de l'endroit où les coups avaient été tirés. Un riche marchand de coton, connu sous le nom de Ashley Challinor, avait requis les services d'un tueur à gages pour abattre Josué Beauchamp, car ce dernier avait eu une relation adultère avec son épouse. Mais le tueur avait raté sa cible ; la balle avait atteint le Haïtien au bras et la blessure était relativement superficielle.
La même semaine, une autre affaire sordide se produisit dont beaucoup de personnes avaient été témoins, incluant des détectives et des policiers : un homme noir, âgé d'une trentaine d'années, avait trouvé la mort dans des circonstances mystérieuses dans le quartier de Great George Street.
Une version du drame disait que l'homme, excessivement ivre, avait fait une chute mortelle dans les escaliers tandis qu'une autre version prétendait qu'il s'était donné la mort par pendaison. Ce qui était sûr, en revanche, c'est que M. Beauchamp avait emporté le corps du défunt chez lui à Pitty Street. Le défunt avait été ramené à la vie par une incantation vaudou et par l'administration d'une potion dans le corps du mort. Ladite mixture avait été réalisée à base d'herbes et de divers éléments psychoactifs et produits chimiques, le tout mélangé à du sang frais de poulet. L'homme se redressa sur la table où il gisait sans vie encore quelques minutes plus tôt, le regard vide et l'air absent.
C'était maintenant un zombie, un pantin sans âme qui pouvait manger, boire, voir et entendre, mais sans ressentir la moindre émotion. Il avait perdu la mémoire, ne sachant plus qui il avait été et ce qu'il était maintenant devenu, mais il était doté d'une force extraordinaire. Le géant noir se tenait debout face à M. Beauchamp – qui était en fait un Bokor, un sorcier vaudou suprême. Les yeux du zombie étaient entièrement blancs et ne laissaient trahir aucune expression, se tenant debout dans la plus complète servitude due au charme de l'ancestral sortilège ouest-africain de magie noire.
Son corps ne répondant plus qu'à la volonté de Beauchamp, son maître, le zombie sortit de la maison et se mit à déambuler dans la nuit. Il arriva à destination devant une maison située à Belvidere Road, près de Princes Park. Le zombie fit voler la porte en éclat en commença à monter les marches de l'escalier avant d'arriver sur le seuil de la chambre d'un Ashley Challinor paralysé par la peur qui essaya tant bien que mal de se libérer de l'étreinte herculéenne du zombie. Le marchand de coton alla trouver refuge dans la maison voisine, habitée par un ami de longue date, puis il appela la police. Le zombie martelait déjà à la porte de la maison.
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