Il t'était une fois, un été brûlant et au blé d'or qui se courbait à ton passage sous les assauts d'une brise soudaine. Vous, tels deux pèlerins, pérégrinâtes d'une tour de guet à la rivière argentée, d'une grotte sombre et effrayante au chêne millénaire, d'une forteresse abandonnée au village en fête...
Lors de la première étape de votre expédition, vous vous arrêtâtes devant un petit monument mégalithique fortement implanté sur un monticule pierreux. Austères et dénuées d'ornement, quatre grandes pierres noires érigées supportaient un plateau protégeant une entrée souterraine.
— Le trou des chagrins, murmura le guide.
Il te fit signe d'emprunter l'escalier. Après une longue hésitation, tu descendis seule rejoindre l'obscurité. Plus tes pieds te menaient sous terre plus ta peur grandissait. Tu arrivas enfin dans une chambre aveugle dont les murs chatoyaient à la lumière d'une bougie placée sur une table en bois.
Tu t'installas sur l'unique chaise.
La loge propice à la réflexion, au silence, à la peur aussi, t'offrit un pichet d'eau et un pain. Tu remarquas deux coupelles : dans l'une du sel, dans l'autre du soufre. Sur la table, du papier, une plume, de l'encre, un sablier et un crâne vaniteux qui jouxtait un miroir.
Ce fut dans cette obscurité que tu te tus, que tu méditas, que tu vis un fantôme.
Tu trempas alors la plume dans l'encrier et inscrivis sur le papier.
« Satisfait qui, sans envie, sans regret, voit ses jours finir, et qui n'a joui de la vie que pour mieux apprendre à mourir ».
Après avoir scellé le pli, tu te miras dans le miroir. Tu te vis le visage creusé, les cheveux blancs, les yeux ternes. Toi qui fus si belle jadis, la vie et l'envie t'avaient fuie.
Une porte s'ouvrit soudainement. Cette invitation à quitter la chambre d'introspection te soulagea. Tu gravis les marches une à une et quittas ainsi les entrailles de la Terre. À l'extérieur, le Soleil t'aveugla, la chaleur te caressa. Une renaissance s'opérait.
— Dorénavant, Princesse, vous voyagerez sans vos bijoux et sans votre robe ; ni nue, ni vêtue. Voici votre chainse blanche et un chaperon de laine. Ne vous laissez pas corrompre par les choses illusoires et par les apparences. Les yeux bandés vous continuerez votre chemin, je reste votre guide, votre éclaireur, si vous le voulez bien.
Malmenée, tu esquivas chaque piège, chaque danger que ton cheminement aveugle t'imposa. Désorientée, tu fis abstraction des sons cacophoniques de la grêle, du tonnerre, de la pluie qui te parvinrent. Les premiers pas dans la réalisation de ton être furent parsemés d'inconvénients et d'embarras.
Il s'avéra difficile de vaincre tes passions et de triompher des aspects contradictoires de la dualité qui te maintinrent prisonnière.
D'une marche fort irrégulière, ton compagnon t'aida à enjamber, te fit marcher tantôt vite, tantôt lentement. Tu te courbas et gravis à maintes reprises des chemins tortueux. Tu ne pus juger de la nature du terrain que tu parcourus plusieurs jours durant.
Un souffle frais, furieux et capricieux te caressa soudain. Le bruissement de ta chainse qui se plaqua contre ton corps et le bruit de l'air comme une plainte lointaine te ramenèrent à la réalité. Tu étais vivante dans un monde intermédiaire, en hauteur. Tu vécus une ascension purificatrice, une élévation de ton âme.
Un voyage de l'Air fut satisfait.
En pèlerins de l'univers, vous continuâtes vos pérégrinations élémentaires.
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L'Inconsolée
Short Story"Il était une fois", c'est ainsi que commencent les contes. Mais pas toujours... Narrer "l'Inconsolée" serait vous raconter l'histoire de votre vie, de vos échecs et de vos faiblesses. Mais aussi votre reconstruction face aux épreuves qui semblent i...