Chapitre 2

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Le cours de la dernière fois s'est bien passé.
Cependant, c'est assez dur de leur enseigner le français.
Les plus jeunes ne savent pas ce qu'ils font là. ils sont donc dispersés.
Ils parlent, crient, jouent.
C'est assez dur de leur demander ne serait-ce qu'un peu de concentration.
Avec eux, on recommence tout à zéro. Ce sont comme des nourrissons. Nous devons leurs apprendre des mots mais aussi des expressions.

Les centres d'accueil leurs ont fournit des papiers et des stylos pour pouvoir prendre des notes.
Ils griffonaient le peu qu'ils comprenaient derrière de vieilles factures ou des coloriages jamais coloriés.
A la fin du cours, le jeune garçon qui se trouvait tout devant est venu me voir.
Il m'a dit avec le peu français qu'il connaît :
"Le course j'aime beucou".
Mais j'ai compris. La joie de L'apprentissage se lisait à travers ses yeux.
J'avais dans mon sac un livre de vocabulaire pour les personnes qui débutent le français. Alors, je lui ai arraché une des feuilles sur laquelle se trouvait le vocabulaire du quotidien.
Et en échange de ce papier, il me dit son prénom. La main à plat sur la poitrine pour se désigner il me dit : Ali.

Depuis hier soir, je ne fais que de penser à ces enfants mais surtout à Ali.
J'aurais aimé pouvoir partager ce moment avec mes parents.
Leur expliquer ma joie et leur décrire le bonheur qu'ils avaient à apprendre le français. Leur prouver qu'ils veulent s'intégrer, qu'ils en ont l'envie et le courage.
Mais je n'ai personne à qui raconter ça.
A part mes amis.
D'ailleurs je vais actuellement rejoindre Chloé pour faire les magasins.
Elle a besoin d'une robe pour l'anniversaire de Caroline, une amie du lycée.
Une fois arrivée au centre commercial, je l'a vois au loin.
Je pourrais la reconnaître parmi des milliers. Son carré blond, son jean bleu ciel et ses vieilles converses déchirées, tout est sa signature.
J'arrive à elle, on s'échange quelques mots pour prendre des nouvelles l'une de l'autre.
Depuis qu'elle est avec son copain, on s'est éloignées. Nos relations sont plus froides. Ça arrive parfois ce genre de choses.
Mais rien ne nous empêche de faire des sorties ensemble.
En voilà la preuve.

On se dirige vers le magasin qu'elle chéri. Celui dans lequel on achèterais tout sans modération.
On a tous un magasin comme celui là.
Après un long silence sur notre chemin, Chloé ouvre la discussion :

-"Ma mère m'a donné 60 euros, je devrais normalement trouver ce que  je veux"

"Je devrais normalement trouver ce que je veux... et nanana et nanana... avec 60euros tu parles, tu trouves TOUT ce que tu veux ! Ses attitudes de bourges ont souvent tendances à me deranger !"

-"Ok, moi j'ai 15 euros. J'aurais largement assez"

On arrive devant la boutique.
Du rose, du rose et encore du rose.
Je vais mourir d'une overdose de rose.

Je m'ennuie donc entre ses essayages.
Et ça c'est trop foncé pour son teint,
et ça, ça lui fait des grosses cuisses, et celui là est trop large...
Chloé commence à s'énerver.

-"Je n'ai plus que trois jours pour choisir ma tenue !"

Tout se passe vite dans ma tête.

-"Trois jours ? Mais trois jours... C'est samedi !"

Chloé, lâchant le tas de vêtements qu'elle tenait :

"Bravo Sherlock ! Tu as encore quelque chose de prévu ?
Attends, laisses moi deviner...
Tu dois garder ta grand mère ? Promener un tyranosaure ?"

-"Ahahah très très drôle ! Non, figures toi que je donne des cours de français à des immigrés"

Ma réponse la laisse perplexe.
De toute façon, tant que le sujet de conversation ne la touche pas, elle quitte la discussion.

Elle finit par me dire qu'elle préfère qu'on rentre chacune chez l'autre.
Que ce serait "préférable".
Je n'ose même pas la contredire. J'acquiesce de la tête sans dire un mot et je sors du magasin.

Qu'est-ce-qu'elle peut être ingrate cette fille...

Les 15 euros que ma mère m'a donné ne me serviront pas.
A moins que...
J'ai aperçu une librairie en rentrant.
Je vais y passer. Je trouverais sûrement quelque chose...

7 euros.
Oui j'ai dépensé 7 euros.
Mais pas pour moi.
J'ai acheté un livre pour Ali.
C'est un livre fait pour les cours de primaire. Ils y expliquent comment bien former ses lettres et comme les prononcer.
Je pense que ça lui fera le plus grand plaisir.
Et lorsque j'étais à la caisse, sur le bord se trouvaient des petits blocs notes de toutes les couleurs. J'ai alors décidé de lui en prendre un vert.
Le vert, la couleur de l'espoir.

En rentrant à la maison, j'ai mit tout ça dans une grosse enveloppe marron.
J'ai hâte de lui donner.
J'ai hâte de voir sa réaction.
J'ai hâte d'être samedi.
J'ai envie de le revoir.

L'amour qui migreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant