La clé a tourné dans la serrure, devant moi prenait place le couloir insalubre, le petit appartement n'était pas éclairé, tous les soirs j'avais peur de ne pas la retrouver, qu'elle ait jeté l'éponge, abandonné le dossier, qu'elle se soit dit ça y'est, c'est fini, l'heure est venue, j'y vais, à jamais, je suis désolée, j'espère que ça va aller. L'orage se déchaînait contre les fenêtres et dans le bruit foudroyant d'un éclair, j'ai réussi à entendre sa respiration. En allumant la lumière j'ai pu percevoir ses yeux qui illuminaient la nuit, agrandis par la douleur. Elle était recroquevillée au fond de la pièce, près du lampadaire et du cadre photo de nos vacances d'autrefois, elle arborait un sourire sincère, heureux, énergique, elle portait sa chemise à fleurs rose, celle qu'elle aimait tant, car oui, il fut un temps où elle aimait, où elle souriait, où elle avait hâte d'être à demain, les gens souffrants ne l'ont pas toujours été, avant elle se maquillait, je l'observais peindre son visage comme une oeuvre d'art, j'admirais ses gestes si fragiles qui semblaient acquis mais se sont engouffrés dans le passé aujourd'hui. Aujourd'hui, à travers ses mains tremblantes et son visage pâle, je vois bien qu'elle a perdu le mode d'emploi, la notice, celui que les gens utilisent pour les gestes qui leur paraissent si simple, se mettre debout, se diriger vers le salon, ouvrir la porte, répondre au téléphone, marcher, sourire, tout ce qu'elle n'arrive plus à faire, elle ne sait plus, elle a oublié, elle aussi a eu la force un jour, elle suivait les règles du jeu, puis petit à petit elle est restée au sous-sol, coincée dans un ascenseur qui n'est toujours pas reparti. Alors j'ai serré son corps frêle dans mes bras, elle existait mais elle ne vivait pas, elle était presque inanimée, mes yeux rougis par le froid ont laissé échappé une larme qu'elle n'a pas remarqué, parce qu'elle ne voit plus, elle est perdue dans ses pensées, je vous l'ai dit, elle ne sait plus. C'est ce que j'aimerais dire aux réunions du lycée, aux professeurs, aux amis de la famille, à ceux qui s'y intéressent de loin, à ceux qui demandent si ça va par simple politesse. Non, ça ne va pas. Ma mère ne sort plus, ma mère ne mange plus, ma mère ne sait plus.
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J'aurais voulu te dire..
Acak« Je ne serai plus jamais seul, puisque tu existes quelque part. » Aurore et Aymen ont dix-sept ans et connaissent quelque chose de la vie que l'on ne devrait savoir que lorsque l'on est vieux. Dans quelle mesure deux âmes brisées peuvent-elle se re...