Vagabond Avenue [Mark Lee]

Jour 1

Il fait froid, il pleut. J'ai faim, j'ai soif, et je suis fatigué de marcher. Qu'est-ce qu'il m'a pris de partir déjà ? Je suis vraiment stupide parfois.

Je m'appelle Mark Lee, j'ai seize ans, et voilà maintenant vingt-quatre heures que j'ai fugué de chez moi.

Sans blouson.

Sans bonnet.

Sans gants.

En t-shirt à manches courtes.

Par -1°C dehors.

Quel idiot.

Nous sommes actuellement le 12 novembre 2015, et il fait beaucoup trop froid pour un mois de novembre. Il a fallut que je me barre le jour le plus froid. Réchauffement climatique, mon œil. On se les gèle toujours à Vancouver. J'aurais dû fuguer en été. Je suis vraiment pas doué.

Du coup je me retrouve là, sur un banc, à écrire ma vie complètement ennuyeuse dans ce qui était au départ mon carnet où j'écrivais mes textes de rap. Triste vie. Faudrait que j'investisse dans un autre cahier, ce serait bête de tout mélanger comme ça.

Il commence à faire vraiment froid.

Je devrais faire une liste des trucs que je devrais acheter sérieux. Bon déjà je peux mettre de la bouffe, un carnet, des bouteilles d'eau, et un blouson.

Mark t'es tellement pas organisé.

Je commence à me parler à moi-même maintenant.

Je crois que je deviens fou.

J'ai plus que 10$ sur moi.

Je vais crever de faim sur ce banc en fait. On aime la vie.

Au moins, les gens me regardent pas encore comme si j'étais un extraterrestre. Pas encore. Ça va pas tarder.

En même temps croiser un gamin dans la rue en t-shirt à manches courtes par -1°C en train d'écrire sa vie au stylo violet dans un cahier 25x20cm sur un banc à Arbutus Ridge sur la 33ème avenue en plein Vancouver, osez me dire que c'est pas bizarre.

Je devrais aller autre part où y a moins de vent en fait. Mais qu'est-ce que je suis con. En plus que je suis pas loin du supermarché. J'aurais pu aller chercher à manger depuis belle lurette. Applaudissons le génie de l'année Mark Lee qui vient d'obtenir le prix Nobel de la connerie suprême.

Sérieux je suis désespérant des fois. Ou tout le temps même. Fu.

Bon si je commence à écrire des onomatopées je suis pas sorti de l'auberge.

J'ai quand même sorti l'expression « depuis belle lurette ».

Et je parle comme un vieux en plus. Manque plus que le « en voiture Simone » et je suis nommé beauf de l'année.

Mon cahier ça commence à devenir du grand n'importe quoi.  

J'ai faim.