Acte premier - Scène 1

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DIEU : Salut, Adam.

ADAM : Bonjour Dieu.

DIEU : Tout va bien pour toi ?

ADAM : Oh oui !

DIEU : Il fait bon ?

ADAM : Tout est parfait ! Comme ce monde est beau ! Et comme il tourne bien !

DIEU : Tu aimes cette lumière ?

ADAM, impressionné : Et comment ! Tu as dû y passer des jours pour marier ces nuances subtiles d'or, d'émeraude et de violine !

DIEU : La lumière me passionne depuis le premier jour, c'est elle qui révèle les couleurs. C'est important les couleurs. Je les choisis en prenant mon temps, une par une.

ADAM : Ça se voit !

DIEU : La musique te plait ?

ADAM : Divine ! Céleste ! Immanente !

DIEU : C'est que tu as l'oreille musicale ; c'est l'avantage de t'avoir fait à mon image. Dans le fond, ma capacité à émettre des sons est aussi complète que la tienne à les entendre. Tu me comprends si bien...

ADAM : C'est vrai, je me sens limpide et résonnant. Je suis ton cristal.

DIEU, agréablement surpris : Poète !

ADAM, en poussant Dieu du coude d'un geste tendre : Comme toi, va... Je te dois tant. Merci, vieux.

DIEU : Avec plaisir, fils.

Passe un peu d'éternité béate.

DIEU, hésitant : Adam ?

ADAM : Oui ?

DIEU, tentant d'en venir au fait : Je voudrais te parler... d'un sujet délicat et épineux...

ADAM, enthousiaste et naïf : La Rose ! Magnifique ! Tu t'es surpassé. Oui ! parlons-en.

DIEU, un peu plus franc du collier : Euh... Non, je ne veux pas parler de la Rose. Je veux te parler de toi.

ADAM : Ah ? De moi ?

DIEU : Oui, de toi... de ce que tu es, de ta nature profonde et...

ADAM, lui coupant la parole : Alors ça, j'adore y penser, j'y ai déjà passé un temps merveilleux ! Grâce à ma conscience réflexive illimitée, j'ai pu déterminer ce que je suis : toi. Pour être plus précis, la partie de toi qui te répond quand tu te parles à toi-même.

DIEU, tousse, un peu gêné : Un ami imaginaire.

ADAM : Une bonne situation, en somme. Donc, si tu me te demandes mon ton avis sur moi, j'aurais tendance à te me répondre que franchement, tout va bien.

DIEU : C'est une bonne chose. Seulement voilà, Adam : le jour est venu d'être. De devenir.

ADAM, interdit : Que devrais-je devenir ? Pourrais-je être plus parfait que ce que je ne suis déjà ?

DIEU : Non, tu ne le pourrais pas. Je ne vois pas bien comment l'on pourrait être plus proche de Dieu qu'en étant son ami imaginaire...

ADAM, se détend : Moi non plus.

DIEU, insiste : Tu es parfait.

ADAM, soulagé, acquiesce : Ah.

DIEU, posément : Mais j'ai pris la décision de te faire vivre.

ADAM : Kwa ?

DIEU, répète, patient : J'ai pris la décision de te faire vivre.

ADAM, scandalisé : C'est impossible ! Je ne suis pas un caillou ! Tu n'as pas assez de cailloux ?

Adam et Dieu, Genèse d'un douteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant