Dieu effleure Adam du doigt. Les molécules divines de ce dernier se divisent en deux. Ainsi apparaît Ève.
DIEU : Voici un fruit sans ver ! (un peu cynique) Ce sera ton compagnon d'infortune. Bonjour, Ève.
ÈVE : Salut, Dieu.
ADAM : ...
DIEU : Tu es content ? Comme tu es un indécrottable, je ne vais pas m'évertuer à te décrotter ! Tes relents de peur, d'égoïsme, de violence, garde-les, Homme, voici la Femme. Elle portera la vie, la paix et l'amour.
ADAM : ...
DIEU, mordant : Un concentré de compréhension et d'ouverture. Un être à la surface duquel la divinité de ma Grâce affleurera sans aucune peine. Elle se chargera pour toi de garder vif le feu de l'Humanité. Il t'est ainsi permis d'errer autant que tu veux, elle s'occupera du reste. C'est elle qui mènera le monde. Fais ce que tu veux pendant ce temps. Mais je te préviens, ce ne sera pas facile de la convaincre de te suivre dans tes impasses : elle a du caractère !
ADAM : ...
DIEU, triomphant : Ah ! Tu ne dis plus rien, là, hein ?
ADAM, difficilement : Je pourrais en dire bien des choses.
DIEU : Essaie toujours.
ADAM : Eh bien, hum, tout d'abord que mon système endocrinien risque d'être mis à rude épreuve. Ça ne serait pas de nature à me détourner de mon but ?
DIEU : Je n'attendais pas moins de mauvaise foi de ta part, quand il s'agit de se déresponsabiliser en te diluant dans la masse, ou en invoquant ton animalité, tu es champion !
ADAM : Pardon ! Mais si tu fais de moi une caricature de butor borné, pendant qu'elle, elle fait la princesse avec tout pour elle, tu ne me donnes pas beaucoup de chance de m'élever ! (Tape du pied) Je ne veux pas être un Homme si c'est ça ! C'est injuste !
ÈVE, tousse pour prendre la parole : Hum, pardon, mais il n'a pas tort. Il conviendrait peut-être de nuancer la situation.
DIEU, attendri, amoureux : Elle est tellement raisonnable ! C'est entendu : je te donne quelques qualités et je lui ajoute quelques défauts. Ça te va ?
ADAM, grommelle : On reste dans une vision totalement manichéenne des sexes... je m'insurge ! Ça va tourner à la lutte ! Tu lui donnes tout plein d'amour et d'intelligence et à moi presque rien, tu t'imagines peut-être que connaître le plaisir d'éjaculer va me suffire à supporter cette vie de forçat crétin ?
DIEU, sincèrement étonné : Tu es jaloux. Tu n'es même pas encore incarné que tu te comportes déjà comme un imbécile ! Je crois que tu n'y mets pas beaucoup de bonne volonté.
ADAM : Je réclame l'égalité, je ne devrais rien avoir à lui envier ! Tu l'as créée sur un mouvement d'humeur, parce que tu trouvais que j'opposais trop de résistances à ton projet !
DIEU : Tu réclamais des garanties ! Comment puis-je faire autrement qu'en mettant les plus beaux œufs dans le meilleur panier ?
ADAM, agressif : Trêve de ces métaphores douteuses ! Moi aussi je veux la paix ! La douceur !
DIEU : Mais tu l'avais ! Tu m'as simplement assuré que tu craignais de ne pas être capable d'en jouir. Tu as peur d'être un Loup ? La moitié de l'humanité sera Agneau.
ADAM, n'en croit pas ses oreilles : C'est aberrant ! Tu crées une chaîne alimentaire ! Je vais la dévorer !
DIEU : Il faudrait vraiment être un idiot pour voir les choses sous cet angle... j'essaie de te parler de coopération, d'amitié... d'amour.
ADAM : Et comment en serai-je capable si je suis démuni d'amour, moi ?
DIEU : Ce n'est pas exact, tu exagères encore. Une forme de vie ne peut être démuni d'amour, sans quoi cette forme de vie serait sans vie. Même les cailloux portent l'amour de moi. Il y en a partout, sinon, tu ne tiendrais pas debout. Sans feu, la maison est froide...
ADAM : D'accord, j'aurai juste une allumette dans la poche, pendant qu'elle, elle entretiendra carrément le foyer, à genoux devant ta flamme. (Se résigne) C'est du favoritisme.
DIEU : Tu n'auras de cesse d'aller vers la Femme et vers son feu. Il ne sera pas difficile de te laisser convaincre... ton système endocrinien...
ADAM : C'est retors ! Pervers ! Je vais penser... avec ma bite !
DIEU, content de lui : Les plus vieilles ficelles sont les meilleures. Cet élan de vie qui anime les êtres est ce que j'ai obtenu de plus proche de cette lumière qui rayonne en moi, cette curiosité intelligente en expansion permanente, qui cherche et qui aime. Bien sûr, je ne peux pas empêcher un être libre de se tromper, mais rien non plus ne peut empêcher la vie de chercher la vie, l'amour de chercher l'amour, le sexe de chercher le sexe. C'est l'ensemble biopsychique dont je suis le plus fier - et vous en êtes l'aboutissement. Félicitation, mes enfants.
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Adam et Dieu, Genèse d'un doute
SpiritualADAM, lui coupant la parole : Alors ça, j'adore y penser, j'y ai déjà passé un temps merveilleux ! Grâce à ma conscience réflexive illimitée, j'ai pu déterminer ce que je suis : toi. Pour être plus précis, la partie de toi qui te répond quand tu te...