Sur mon île

Chapitre 2 : Eric et Simon

J'ouvris les yeux et découvris un visage bronzé et parcouru d'un grand sourire penché sur moi. un halo de cheveux châtains encadraient ce visage aux traits fins et pleins de vitalité. Ses yeux noisettes tachetés de reflets verts m'observaient d'un regard rieur.

- Coucou ! On se réveille enfin, mam'zelle la belle au bois dormant ?

- Ouh là, ça tangue, bégayai-je en me relevant lentement. Je suis où, là ?

- Bah, on sait pas trop... Quelque part au beau milieu de la mer ! répondit-il sans perdre son air jovial.

- D'accord...

- Bon, comment tu t'appelles, belle endormie ?

- Tu vas rire... Je ne sais pas ! fus-je au regret d'avouer.

- C'est joli, Jenesaispas ! dit-il en riant

- Mais non, banane ! Je ne sais pas comment je m'appelle !

- Tant pis, pour moi, ce sera Jenesaispas !

- Et toi, c'est comment ?

- Moi ?

- D'accord ! Bonjour, Moi !

- Mais je ne t'ai pas encore dit mon nom !

- Tant pis, pour moi, ça sera Moi ! l'imitai-je tout en souriant.

- Je t'aime bien, toi !

Un deuxième garçon fit son apparition. Il avait l'air un peu plus vieux que Moi qui, je supposais, avait à peu près mon âge. La première chose qui me frappa, c'est sa beauté. Il avait les traits si fins qu'on aurait pu le croire fait de porcelaine et sur sa peau pâle, ses yeux d'un bleu des plus purs contrastaient avec ses cheveux d'un noir de jais. Il possédait la grâce d'un prince et la robustesse d'un maçon; son regard était empli d'une mélancolie extrêmement romantique. Pas du tout mon genre mais je ne pouvais pas nier que beaucoup d'autres gens auraient craqué avant même qu'il ne parle.

- Eric, elle s'est réveillée ! s'exclama Moi.

-"Enchanté.", fit le dénommé Eric d'un ton glacial. Il n'avait pas du tout l'air enchanté.

- J'ai une autre question, déclarai-je, d'où est-ce-que vous venez, tous les deux ?

- On ne sait pas. lâcha Eric entre ses dents, toujours aussi charmant.

- En fait, c'est Eric qui est arrivé le premier, il s'est réveillé sur l'île, sans aucun souvenir d'une vie avant... Et moi, idem. m'expliqua Moi. Tu te souviens de quelque-chose, toi ?

Il y avait un peu d'espoir dans sa voix mais on voyait bien qu'il n'y croyait pas trop. Je leur fis donc un petit résumé de mon histoire sur le bateau.

- Moi, ça fait à peu près un mois que je suis là et Simon est arrivé il y a environ trois semaines.

- Ouah ! Tu peux des phrases de plus de quatre mots ! Ris-je gentiment face à cette déclaration d'Eric.

Il quitta la hutte où nous nous trouvions en coup de vent, visiblement vexé. Un petit toit fait de branches supportait de grandes feuilles protégeant de la pluie. J'étais allongée sur une natte en bambou et divers liquides étaient exposés autour de moi dans des cannes creuses. Simon - c'était donc ainsi que se nommait réellement Moi - était habillé de vêtements plutôt modernes et propres, pas de haillons comme l'auraient voulu les clichés.

- Excuse-le, demanda Simon en parlant d'Eric et de sa sortie fracassante.

- pas grave. Je n'aurai pas dû le provoquer.

- Ne t'inquiète pas, en général, il est plutôt sympa.

- Mince, c'est moi qui le perturbe comme ça alors ?

- Mais non, mais non... Simon n'avait pas l'air convaincu du tout.

- Au fait, fis-je me souvenant vaguement m'être noyée, vous m'avez sauvée, non ? Merci !

- On t'a trouvée sur la plage et on a eu peur que tu sois déjà morte ! D'ailleurs, n'essaie pas trop de te lever, tu es encore un peu faible.

Je restai donc toute cette première journée allongée sur ma natte à discuter avec Simon de l'île. Elle état plutôt paradisiaque: des fruits à foison, des sources d'eau claire, des poissons, de quoi y vivre assez bien. Le climat était plutôt agréable, par contre, il ne fallait surtout pas sortir durant les orages torrentiels. Ils avaient réussi par s'adapter.

Simon était un garçon joyeux et énergique qui s'émerveillait de tout, la couleur du ciel, la longueur de mes cheveux (que je n'avais évidemment pas coupés et qui tombaient en cascade rousse désordonnée sur mes épaules), le chant des oiseaux (qui était effectivement magnifique et qui donnait vie à des forêts imaginaires dans ma tête). Il me décrivit les couchers de soleil et les arcs-en-ciel, les brouillards et les pluies. Il me faisait rêver de cette île qui s'étendait partout autour de moi. Je pense que s'il m'avait décrit un bidonville, j'aurai été passionnée: il avait un talent fantastique pour captiver ses auditeurs. Les mots dans sa bouche étaient pleins d'amour et il chérissait chaque détail de cette île. Je crois que dès cette première journe, j'ai compris que je ne pourrai pas vivre sans lui. Une fois qu'on rencontré une personne de si bonne humeur et tellement disposée à nous rendre heureux, le monde sans elle ne nous emble d'aucune saveur. Et pourtant, que connaissais-je du monde, moi, l'amnésique ? Personne, à ce stade, ne peut parler d'amour ou d'une quelconque relation amoureuse mais il avait été taillé juste pour moi ou coulé dans un moule sur mesure. J'avais pour lui une admiration sans limite.