Chapitre 4 : Méduse

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Le lendemain, je me levai avec l'étrange sensation de me sentir protégée... et observée. Je décidai que je ne pouvais plus rester allongée encore une journée sans voir des mes propres yeux à quoi ressemblait l'île. Je me redressai donc et je sortis. Je n'aurais jamais pu imaginer, même avec les talents de conteur de Simon, ce que je découvris dehors. Des oiseaux colorés formaient des vagues lumineuses dans le ciel si bien qu'ils ressemblaient à un arc-en-ciel. Le soleil était en train de se lever, il émergeait des eaux sur un fond de ciel. Ce fut d'ailleurs le ciel qui me frappa le plus: la mer avait un bleu féérique et presque argenté, pourtant, mon regard fut tout de suite attiré par un dégradé de couleurs allant d'un bleu des plus profonds à un violet doux. Si j'avais pu toucher ce ciel, je sais ce que j'aurais senti sous mes doigts. Ma main se serait enfoncée dans la grande étendus de bleu presque opaque mais doux; puis, elle aurait glissé lentement vers un turquoise pastel qui semblait limpide (bien qu'étant une couleur froide); ensuite, ma paume aurait été chauffée par un jaune des plus chaleureux et pourtant si simple; arrivée au rose, j'aurais frémi, cette couleur m'inspirait une pièce d'étoffe si fine qu'elle coulait presque entre les doigts. Enfin, j'aurais passé mes doigts sur le violet qui retenait encore le soleil, couverture épaisse dorlotant l'astre flamboyant.

Je m'émerveillai encore et encore, découvrant les fruits juteux et les animaux en paix avec le reste de l'île.

Pourtant, quelque chose me tracassait : pourquoi Eric semblait-il si énervé par ma présence au point de nous quitter ?

Il y avait une autre hutte à côté e la mienne, Simon y dormait encore.

Je pris alors ma décision. Sur le sable, je traçais un mot pour mon ami, pris quelques provisions et de l'eau. Je partis à la recherche d'Eric. L'île n'était pas grande, j'en aurai vite fait le tour. Je marchais le long de la plage. Le sable était doux comme de la soie sous mes pieds. Tout en cherchant du regard toute trace d'être humain, j'observais la forêt, sur ma droite. La végétation était très dense. Je fus parcourue d'un frisson, malgré la vision paradisiaque que m'offrait Simon : quelles bêtes abominables se cachaient dans cette forêt tropicale ?

Au bout d'un moment j'arrivai dans un petite crique. UN lagon bleu et tout autour, une paroi de roche. Les pieds dans l'eau, Eric attendait là. Il savait que je viendrais. Je m'approchai lentement de lui.

- Eric, écoute. Je ne sais pas du tout pourquoi tu m'en veux... commençai-je

- Non, tu ne sais pas. Et je ne sais pas non plus.

- Alors pourquoi ne pas essayer de s'entendre...

- Je ne te sens pas bien. Tu ne dégage pas une aura qui me met en confiance.

- Tu perçois les auras, maintenant ? demandai-je avec un demi-sourire.

- Non, mais je sais juste quand quelqu'un ou quelque chose ne me plaît pas. Et tu ne me plais pas.

- C'est injuste ! m'écriai-je.

- Non, c'est comme ça...

Sa bouche s'ouvrit en grand et ses yeux restèrent bloqués dans le vide.

- Eric ? murmurai-je.

Il ne me répondait plus. Je me précipitai vers lui. Il s'écroula. Je le rattrapai et me rendis compte que son dos saignait. Dans l'eau, quelque chose bougeait. J'eus à peine le temps d'apercevoir une forme ressemblant à une méduse avant de mettre Eric sur mon dos et de partir le plus vite que je pus. Lorsqu' il vous arrive une situation comme celle-ci, on ne réfléchit plus et le corps réagit parfois juste comme il le faut, déployant des forces inconnues. Ainsi, je parviens à courir, Eric respirant difficilement sur mon dos. J'arrivai quelques minutes plus tard au campement où Simon avait déjà commencé à s'inquiéter.

- Mais enfin, tu es folle ! Je me suis fait un sang d'encre ! Vous partez tous les deux comme ça, vous me laissez tout seul !

- Simon, je suis désolée mais Eric... fis-je, à bout de souffle

Il se rendit alors compte de l'état de notre compagnon.

- Merde ! Vas-y, mets-le sur une natte !

- Attends, j'arrive.

Je le posai délicatement sur le matelas improvisé et expliquai à Simon ce qui c'était passé. Il commença à farfouiller parmi les liquides colorés présents dans la hutte.

- C'est pas possible, ça ! Où est-ce qu'il est rangé ce satané anti-douleur ?!

Je regardais le visage d'Eric se congestionner sous la douleur. Soudain, je pris sa main et la pressai de toutes mes forces. " Non, tu n'es pas mort, Eric. Regarde, c'est moi, je suis là. Tu peux supporter la douleur, tu es encore avec nous." J'avais beau ne pas aimer ce garçon qui prétendait me connaître, me jugeait et me rejetais mais je ne supportais pas l'idée de voir quelqu'un mourir sous mes yeux. Mes yeux inondés de larmes tandis que je broyais sa main en cherchant son regard. Lentement, il tourna son visage vers moi. Je soutins son regard et lui envoyai toutes les pensées positives que je pouvais."Oui, il allait supporter la douleur, non, je ne le lâcherais pas, j'allais lui monter que je n'étais pas comme il le pensait." Puis, Simon a arrêté de jurer, il s'est approché et a versé quelque chose dans la gorge d'Eric. Aussitôt, son visage s'est complètement détendu. Il s'était endormi. Simon m'a demandé de le laisser seul. Mais je ne voulais pas partir tant qu'il ne serait pas en forme. Alors, mon conteur fabuleux s'est assis à côté de moi et nous sommes restés longtemps, tous les trois dans cette minuscule hutte. Je serrais toujours la main d'Eric qui dormait d'un sommeil agité. Simon et moi nous tenions l'un à l'autre comme à notre espoir de le voir se réveiller. De temps en temps, Simon lui donnait quelque chose à boire, sûrement un de ses remèdes. On aurait dit qu'il avait passé toute sa vie ici, à s'occuper des malades. Il avait un don. Sa présence m'apaisait. Au fond de moi, je savais qu'Eric se réveillerait. Il ne pouvait pas être mort. Au bout de quelques jours, nous avions mangé toutes le provisions entassées dans la cabane. Il fallait sortir. Je me dévouai : Eric avait besoin des soins de Simon. Alors, j'ai lâché sa main tout doucement. Il a tout à coup ouvert le yeux, paniqué et remué le bout de ses doigts presque imperceptiblement. Il a voulu ouvrir la bouche mais aucun son n'est sorti. Il baissait les yeux vers sa main vide, puis vers la mienne. J'ai compris, il ne voulait pas que je parte.

- Je reviens, lui ai-je soufflé, il faut que je trouve à manger et tu as besoin de Simon.

Je crois l'avoir vu légèrement hocher la tête et je suis sortie. Le grand air m'a fait du bien. J'ai décidé de me baigner. Je suis partie du côté inverse de la dernière fois. Je suis allée me laver dans un autre petit lagon (sans méduse cette fois), je me suis habillée avec mes vêtements propres, eux aussi et qui avaient séché en un instant sous le soleil chaud.

Puis, je me suis enfoncée dans la forêt.

Sur mon îleWhere stories live. Discover now