2. La rentrée

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EMILIE :

— À table !!! s'écria ma mère pour la millième fois dans la salle à manger en bas de l'appartement.

Je soupirais d'agacement, allongée sur mon lit. C'était bientôt la rentrée scolaire et je tenais à profiter de mes derniers jours de vacances en glandant au maximum dans ma chambre. J'avais pourtant demandé à ma mère de me laisser tranquille dans ma chambre... Pourquoi fallait-il toujours que l'on se retrouve tous les trois pour manger ? Mon père ne dirait certainement rien au sujet de mon refus d'obtempérer, comme à son habitude. Lui au moins avait compris que cela ne servait à rien d'insister avec moi, peu importait dans quel domaine. Bordel, pourquoi ma mère ne pouvait-elle pas en faire autant ???

Soudain, la porte de ma chambre s'ouvrit en grand, dans un bruit de fracas. Je sursautais ; avec le casque de mon lecteur MP3 sur les oreilles, je n'avais pu entendre aucun signe avant-coureur de l'arrivée de cette tempête. Ma mère apparut dans l'encadrement, un air fâché ornant ses traits marqués par le temps.

— À TABLE !!! me cria-t-elle volontairement alors qu'une légère distance nous séparait. Pas étonnant que tu n'entendes rien avec ce truc sur ta tête !

— Fous-moi la paix !! m'exclamais-je irritée. Je te signale que je t'avais parfaitement entendu. J'allais descendre, mais là tu m'as coupé l'appétit. Ce sera sans moi !! BON APP' !!!

Je ponctuais ma dernière phrase d'un geste du revers de la main, qui signifiait un truc du genre « casse-toi ». Ma mère soupira et claqua la porte en partant, furieuse.

Ce n'était pas que je n'aimais pas mes parents, mais ils m'agaçaient de plus en plus. Souvent je m'irritais plus que je ne l'aurais voulu, je me mettais en colère comme ça pour rien et après je regrettais de leur faire du mal. Mais j'avais bien trop de fierté pour m'excuser. De toute manière, je savais qu'ils me pardonnaient toujours, ils m'aimaient bien trop, alors peu importait que je m'excuse ou non. Je me sentais mal à l'idée de les laisser dans la tourmente, mais je savais que même si j'y mettais toutes les bonnes volontés du monde, jamais je ne parviendrais à leur présenter des excuses. Il en était de même quant à l'idée de partager mes sentiments avec eux, c'était comme si je ressentais la présence d'une barrière entre nous. Je ne parvenais plus à dialoguer ni à partager avec eux. Je ressentais un blocage, il m'était impossible de m'ouvrir auprès d'eux.

Cet étrange sentiment était plus ou moins présent tout au long des journées. J'ignorais depuis combien de temps je ressentais ce mal-être, accompagné de cette sensation semblable à un blocage, mais il me semblait qu'à mesure que le temps passait, ces sentiments s'intensifiaient. Je me sentais sans cesse mal à l'aise, anxieuse, en colère. Un rien m'agaçait, j'éprouvais de plus en plus souvent l'envie de me plaindre et de râler contre tout. J'avais aussi l'impression de devenir de plus en plus insensible. Les choses tristes ne me touchaient plus, je n'éprouvais plus aucune peine ni compassion envers rien. Il en était de même pour les choses heureuses, plus rien ne semblait capable de me faire éprouver un sentiment de pur bonheur. J'avais le sentiment d'être blasée, de me comporter tel un robot. Je ne parvenais plus à mettre de sincérité dans mes actes ou dans mon comportement. Je me sentais souvent seule et perdue.

Nous vivions en Angleterre depuis mes neuf ans. Mes parents étaient venus s'y installer pour des raisons professionnelles, et à présent je m'y sentais chez moi. Pour dire la vérité, je souhaitais moi aussi faire ma vie ici. Ayant vécu quasiment tous mes souvenirs ici, j'avais davantage l'impression que ma vie se trouvait en Angleterre plutôt qu'en France, le pays de ma naissance. Nous retournions toujours voir notre famille en France lors des périodes de vacances, donc je ne ressentais aucun manque qui serait lié à ce pays. Et puis à Londres j'avais tous mes repères, mes amis...

Enseigne-moi (Romance / Erotique)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant