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Plus de deux heures maintenant que j'avance, à pieds, sur cette voie rapide déserte. Ca me fait toujours aussi drôle de me dire qu'un flot de voitures ne cessait jamais de se déverser ici, que les bagnoles roulaient sur ce bitume cuit et craquelé, à fond la caisse, inconscientes, il n'y a pas si longtemps que ça finalement.

Une éternité, oui.

Le soleil est encore haut, l'après-midi est avancé, je sais, mais j'ai encore le temps de m'éloigner davantage de l'usine. De toutes manières, je vais marcher jusqu'à n'en plus pouvoir. Parce que c'est ma seule chance.

Et puis si j'entends un bruit suspect, n'importe quoi, qui n'est pas déjà un cadavre, je me cacherai comme je pourrai. On dirait qu'il y a des bois là-bas. Je longerai la route mais je tâcherai de ne pas trop m'éloigner des arbres non plus, au cas où...

Pour le moment, il faut garder le rythme, Gordon. Continuer d'avancer, sans se retourner, parce que là, je suis totalement à découvert. Cette route est dégagée, c'en est même étonnant. Mais elle est exposée aussi. Trop exposée.

Et puis avec un peu de chance, personne n'a encore remarqué ma fuite. Du moins personne ne m'a encore dénoncé.

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C'est vrai que ce matin même, je n'avais pas prévu d'aller faire un tour, tout seul, hors de l'usine.

J'ai fait ce que j'avais à faire, j'ai pris la bouffe dégueu que je méritais selon eux pour la journée, sans tenter quoi que ce soit pour en avoir davantage, en bon p'tit mouton crétin que je suis. Sale minable, ouai. Sale minable.

Mais maintenant que j'ai cinq minutes, qu'est ce qui m'a fait sortir de cet enfer ? Qu'est ce qui m'a emmené jusqu'à la porte ouvrant sur la cours, sur la grille, sur le dehors ?

Le déclencheur, le déclic qui a étincelé dans ma tête, c'est finalement ce connard de Dwight qui est passé à côté de moi, avec son air de fouine, me narguant d'un petit rictus, tenant son sandwich au pain de mie.

Je l'ai d'abord vu racketter chacun ayant un ingrédient qu'il convoitait, sans vergogne ni aucune discrétion.

C'est son air qui m'a fait réagir. Non. Plus que tout, c'est le sandwich.

Je sais pourtant ce que je risque si je me fais reprendre. Mais je ne vais pas me faire choper. Impossible que je retourne dans ce trou. Pas vivant du moins.

Je ne suis pas Dwight. J'ai vu ce qu'il a fait. J'étais là.

J'ai vu ce qu'il a subi, revenant à l'usine, comme un chien battu. Y avait bien sa femme, mais plus la gamine blonde, Tina.

Pourtant, sa fuite m'avait fait tellement espérer ! On avait tous souhaité qu'ils s'en sortent, c'est vrai ! Sur le coup, je n'avais pas cru qu'ils aient osé même le faire. Mais après, j'ai éprouvé de l'admiration pour lui. Fallait sans doute être courageux pour oser sortir avec deux femmes, fuir un malade mental qui n'a évidemment pas manqué de se déchaîner pour les retrouver.

Je les ai vus rentrer... lui et Sherry. On a vite compris que sa petite soeur, elle, ne reviendrait jamais.

Mais j'étais bien loin de m'imaginer l'ampleur des conséquences qu'allait avoir leur tentative d'évasion. Juste une bonne occas' pour Negan de faire un exemple, histoire d'entretenir la peur qu'il cultive sur nous tous chaque minute que Dieu fait.

Parce que cette usine, ce monde, n'est qu'une prison. Même pour ses geôliers.

Dwight a enduré les feux de ces enfers.

Negan lui a cramé la gueule - au sens propre - avec son fer chauffé au rouge qu'il lui a collé en plein sur le visage.

Et nous avons tous été obligés de regarder sa peau se coller, se cuire, puis se détacher lentement de la joue, de la pommette et de la tempe du fuyard repenti.

Ca a faim - TWD - OSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant