Prologue: Le froid de la mort

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Il faisait froid, l'homme tout vêtu de noir, étendu dans la neige, le regard se perdant vers les hauts-plateaux du Mont Azuré. Sa respiration lourde formait de petits nuages de vapeur. Malgré tout il se sentait bien, une étrange chaleur enveloppant tout son corps. Il leva une main comme pour saisir le ciel et les pics enneigés qu'on pensait qu'ils voulaient pourfendre, un si beau paysage à la fois harmonieux et terrifiant.

Une gouttelette rougeâtre tomba alors sur le coin de ses lèvres, coulant doucement dans sa bouche. Un goût métallique s'étalant sur sa langue.

C'était du sang, son sang.

De mal en pis, il tourna légèrement sa tête et comprit pourquoi la neige ne lui apparaissait pas froide, une flaque rouge écarlate agrémentée de plumes noires accueillait son corps tel un cercueil macabre.

Il allait mourir.

Après tout ce qu'il avait vécu, tant d'épreuves, tant de regrets. Fermant lentement les paupières, les bras le long du corps, son enfance refit surface ainsi que les rudes périodes de sa vie, puis surgit dans son esprit une image lointaine alors que les flammes de sa vie s'éteignaient peu à peu. Il revit le meurtre de sa mère, Lydia, tandis que son père, Rolf, le cachait dans une armoire avec pour consigne de ne pas en sortir avant qu'il ne sorte de leur petite maison de campagne, de lui, il n'entendit que le crie suivit d'un silence lourd de sens et plus pesant que n'importe quel mot. Et quand enfin il osa sortir, passant discrètement la tête par la fenêtre, l'étendard de ses ombres mouvantes s'imprima sur sa rétine, sept étoiles d'or sur un fond blanc.

Il revit ses ennemis, il revit sa vengeance.

Ouvrant brusquement les yeux, la lune se présenta à lui, son éclat lui parut faible à travers son demi-croissant. Cela suffira conclut l'homme dans son fort intérieur dont la détermination venait de détruire toute peur de la mort. Il releva son bras gauche et, paume vers le ciel, entonna un chant puissant dans une langue inconnue.

Le brouillard était tombé sur le Mont Azuré avant qu'il ne termine enfin son étrange incantation, soudain la lune sembla l'inonder un bref instant de sa lumière désormais violacée, tel un rayon divin.

Une douleur intense s'empara de lui, portant la main à sa bouche, pris d'une quinte de toux ensanglanté avant d'expirer sans produire alors plus de son que sa main retombant dans la neige tachée de sang, paume cette fois au sol. On pouvait désormais voir une aile noire tatouée sur le dos de sa main gauche.

Ainsi mourut-il, seul dans l'étendue blanche et pure que cette tache écarlate semblait souiller telle une dernière malédiction envers ce monde.

Cette image laissa place à une autre, la vaste cours d'un château de marbre blanc où se tenait visiblement un banquet, les individus ripaillaient, chantaient, dansaient... Les fontaines, ruisseau d'ivresse, accueillaient les gens ayant abusés de la boisson comme un berceau les enfants voulant dormir, les ramenant doucement à la réalité ainsi qu'à la sobriété. Les tables croulaient sous les mets d'une variété extraordinaire où un tonneau pouvait être assimilé à une simple pinte et les épaisses viandes à de petites mises en bouche.

L'harmonie du lieu dessinait un tableau naturel et incroyable dont les couleurs issues des parures des festoyant piquaient les yeux. Ils fêtaient la fin de la guerre, ce cadre était visiblement utopique, en effet, l'illusion ne tarda pas à tomber. Tous se turent d'un coup, une fine pluie tachant leurs riches vêtements et leur humeur festive, les regards se portèrent sur le ciel qui, quelques instants plus tôt, n'annonçait rien de tel par son bleu infini et son soleil éclatant. C'est alors qu'une personne couverte d'une capuche noire et d'une ample cape de la même teinte fit irruption aux portes de la cours. Elle s'avança d'un pas lent et mesuré entre les convives, l'orage venait d'éclore lorsqu'elle parla d'une voix neutre et inidentifiable, on ignorait s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme:

" Du froid de la mort le fléau fut emporté,

Mais la fin de la guerre n'a pas encore sonnée,

D'un autre monde un jour il jaillira,

Heureusement les sept déchus seront là,


Nouveaux corps, vieux conflit,

Nul ne sera à l'abri,

L'aile noire vient."


Se réveillant en sueur, Lloyd manqua de tomber de son lit avant de se rendre compte qu'il rêvait. Il saisit sa bouteille d'eau et la vida, la gorge sèche, se réconfortant finalement en se remémorant les mots de sa mère, "Tes jeux t'embrouillent l'esprit", qui aurait cru que ça puisse l'apaiser? Après avoir respiré un bon coup il se recoucha....Son réveil sonna quelques secondes plus tard affichant 6 heures 30.

Il râla, tentant de se dissimuler sous sa couette.

La journée s'annonçait passionnante.

Les 7 fondateurs: Sorcellerie à DorenaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant