2 - Condamnations

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Deux ombres enveloppées de longs manteaux, à peine visibles dans la nuit noire, se pressent le long des ruelles tourmentées de la basse ville.

Les deux silhouettes se rejoignent, sous une porte cochère, mais sans pénétrer dans la cour intérieure de la demeure bourgeoise. La lumière incertaine de la lune ne perce pas l'anonymat des capuches qui dissimulent les traits.

Une voix s'élève, glacée, juste assez forte pour que le destinataire saisisse son discours.

— L'étranger ne doit jamais revenir... Mieux, il ne doit même pas quitter la capitale. Débarrasse-toi de ce gêneur ! Gaël doit mourir !

Son compagnon se tasse, comme atteint par le ton implacable qui condamne deux vies sans état d'âme.

— Mais Maître, il sera sans doute recherché... Le Roi...

— Ne retrouvera aucun signe de son passage. Nulle part. Trouve un lieu où dissimuler le corps...

Sinistre, l'autre poursuit avec un rire mauvais.

— Les travaux, près des fondations, cela me paraît une excellente solution... Il suffira de murer un des anciens couloirs qui cheminent sous le palais... Personne ne prêtera attention à cela ! Et tu n'auras pas même à te salir les mains, puisque tu éprouves des scrupules... Le froid et la soif achèveront ta tâche.

***

Avec un gémissement douloureux, Maalik se redresse. Sa tête pulse et quand il passe ses doigts dans ses cheveux, ils récupèrent un liquide poisseux. Du sang... Assommé et traîné Dieu sait où... Alors qu'il s'apprêtait à rentrer, à quitter Asfrane par le premier bateau. L'une de ces coques de noix inconfortables devait le ramener dans les mers du sud, après une traversée cauchemardesque, typique de ce moyen de transport archaïque. Ce rêve, commun à tout voyageur, d'admirer les eaux turquoise et les myriades d'îles semées comme autant de joyaux, s'effrite. Un programme très compromis grogne le médecin.

À tâtons, il se redresse et cherche sa sacoche dans l'obscurité. La crainte que ses agresseurs lui aient dérobée l'assaille. Avec un soupir de soulagement, ses doigts se posent sur la sangle proche et l'étranger récupère la besace d'où il retire de quoi éclairer l'endroit. Avec un vilain ricanement, l'étranger actionne le bouton d'une minuscule torche. Rien que cette petite lueur lui vaudrait une accusation de sorcellerie. Encore heureux que le Roi Séverin ait proscrit les bûchers, mais pour les remplacer par un enfermement à vie dans des asiles sordides. Merveilleuse perspective pour les pauvres bougres condamnés...

D'une main mal assurée, il balaie l'obscurité du mince faisceau et l'examen rapide des lieux le renseigne... Aucune issue. Des murs de pierre, sinistres, et pas un bruit. Un silence suggère qu'il se trouve sous terre. Une cave, un soubassement quelconque, mais dans tous les cas, le message est clair. Ses assaillants lui réservent une fin des plus tragiques plutôt que de l'exécuter. Sans eau ni nourriture, elle serait pénible, s'il n'avait d'autres options à sa disposition.

Les responsables de l'empoisonnement du Prince, sans aucun doute...

Maalik réprime une bordée de jurons. Quelle naïveté de sa part ! Réclamer la protection de Séverin, une idée judicieuse qu'il a préféré écarter parce qu'elle l'obligeait à évoquer la tentative de meurtre sur Gaël. Intervenir dans les affaires intérieures d'un pays tiers contrevient aux règles imposées par son propre gouvernement. Et pour la durée de son séjour, la règle s'applique. D'ailleurs, assurer la survie du Prince comme il l'a fait, viole la chose avec allégresse. Maalik a utilisé des techniques interdites pour tenter de sauver le jeune homme. Il devra s'en expliquer à sa hiérarchie, quand ses actions seront découvertes, et fournir les bons arguments quant à ses décisions.

LE PRINCE ENDORMI...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant