Aller-Retour

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Parents et enfants étaient regroupés dans le grand hall d'embarquement. Mathieu sur la coursive au premier étage, appuyé sur la balustrade les observait. Les mères pleuraient au bord du malaise pour certaines, quant aux pères, blêmes, les mâchoires crispés, ils essayaient de faire bonne figure. Le commandant ne s'y trompait pas, dès que leur rejeton serait hors de vue ils craqueraient eux aussi. Les enfants étaient sous le choc, pleurant en silence, hoquetant, assis la tête entre les mains, muet. Dans ce groupe, Lucas avait un masque de froideur sur le visage, il avait levé la tête et lancé un regard noir à Mathieu. Théo s'accrochait à sa mère en criant, celle-ci était effondrée, son père impuissant devant ce chagrin d'enfant, restait les bras ballants les larmes aux bords des yeux.

    Soudain une voix dans le haut parleur annonça qu'il restait une heure avant l'embarquement, qu'une collation était servie dans le salon de réception et qu'on invitait parents et enfants à s'y rendre. Par petits groupes, chacun se dirigea vers la pièce en traînant plus ou moins les pieds. Les bagages étaient déjà à bord de la navette, quelques enfants avaient cependant une peluche, un grigri, dernier cadeau d'adieu des parents désarmés.

    Deux tables étaient dressées au milieu du salon, l'une pour les enfants, l'autre pour les parents. Des jus de fruits, des gâteaux et des friandises débordaient des plateaux pour amadouer les jeunes. Quelques alcools et vins étaient à disposition des adultes. Au bout d'une demie heure, le calme avait fait place aux pleurs et reniflements. Les adolescents semblaient apathiques, ils se laissèrent conduire sans histoire dans le bus qui les mena dans la navette spatiale. Mathieu n'était pas pour cette pratique de les drogués avant l'embarquement, mais sans ce léger sédatif, il serait difficile de les tenir. Dans le passé il avait été confronté à des scènes d'hystéries terribles, certains gamins avaient été blessés, d'autres s'étaient même mutilés.

    Une hôtesse les installa dans de larges fauteuils qu'elle inclina afin qu'ils puissent dormir. Elle les attacha, glissa un oreiller sous leur tête et les recouvrit d'un plaid . Mathieu prit place dans la cabine et s'installa aussi confortablement que possible. L'équipage ne comportait que trois pilotes, deux mécaniciens radio, un médecin et une hôtesse. Il était le seul du département de cryptozoologie à prendre part au voyage.

    Dans le salon d'embarquement, les parents laissaient à présent déborder leur peine sans retenue. Un vrombissement sourd fit trembler les bâtiments et tous se précipitèrent vers les grandes baies vitrées. Dans un nuage de poussière et une lueur flamboyante, la navette s'ébranla et disparut dans l'atmosphère comme une étoile filante.

    Au bout de deux heures les jeunes ce réveillèrent, un peu étourdis, les larmes revinrent pour certains. Les autres se murèrent dans un silence opiniâtre, seul Théo appelait ses parents en se débattant. Il courait d'un bout à l'autre de la cabine, regardant par les hublots, bousculant les ados qui le rabrouaient. L'hôtesse essaya de le calmer, lui parlant avec douceur, lui apportant des jouets, des cahiers de coloriages, des friandises, il envoya tout bouler. Mathieu eut beau faire il n'en vint pas à bout. Il alla parler à Lucas. Le jeune homme lui répondit tout à trac qu'il n'était pas son frère, encore moins un parent, que Mathieu n'avait qu'à se démerder tout seul. Après tout c'était son job. Le commandant comprenait, il essaya de prendre le gamin sur ses genoux, mais Théo était en pleine crise, il le laissa, il finirait bien par se calmer tout seul. Mathieu s'éloigna à l'avant, abandonnant le petit groupe afin qu'il fasse connaissance. Ils avaient deux mois à vivre en vase clos. Soudain il entendit Lucas élever la voix et il sourit, il pouvait compter sur ce grand.

- Maintenant ça suffit Théo ! dit Lucas d'un ton sec en le fixant de ses yeux verts.

    Le gamin s'arrêta net, plongeant ses iris bleus dans ceux de Lucas. Il baissa la tête, renifla et partit s'asseoir avec sa peluche dans le fond de la cabine. Le jeune ado se leva et alla s'installer à côté de lui.

Planète BleizOù les histoires vivent. Découvrez maintenant