La nuit était tombée depuis de longues heures sur Alysia. Les lunes brillaient, et aucun nuage ne venait obscurcir ce beau ciel étoilé, constellé de petites lumières scintillantes et rassurantes. Le vent frais qui sévissait dans la journée ne soufflait plus, endormi, comme la quasi-totalité des Alysiens.
Pourtant, adossée à la rambarde de son navire volant, une femme, la célèbre capitaine Jadina, n'avait pas laissé le sommeil la gagner, bien au contraire. Elle regardait le sublime paysage qui s'offrait à ses yeux, comme tout les soirs. « Ceux qui n'ont jamais volé de nuit ont gâché leur vie », pensait-elle depuis toujours.
Ici, au creux des nuages, elle se sentait proche des astres nocturnes, bien plus proche que sur la terre ferme. C'était pour elle la plus belle chose possible, une liberté incomparable et prodigieuse : celle de pouvoir s'approcher des lumières célestes et de traverser les horizons comme bon lui semblait.Presque tout les soirs, elle s'installait là, et réfléchissait, trouvant parfois des réponses en contemplant le paysage. Elle ne dormait que très peu, et cela n'impactait nullement sa santé. Après tout, elle avait l'habitude.
Et puis, si elle se laissait sombrer dans le sommeil, d'étranges cauchemars l'assaillaient, semblables à des souvenirs. Pourtant, aucun d'entre eux ne lui appartenaient. Ils étaient si vrais, si proches, mais à la fois tellement lointains et flous...
A cause de cela, elle se réveillait encore plus fatiguée qu'au moment de se coucher. Alors elle préférait ne dormir que quelques heures, puis se reposer en étant éveillée pour achever ses nuits.
La capitaine ôtait généralement son chapeau de pirate, qu'elle tenaient simplement à la main, et détachait ses cheveux, se plaisant à les voir danser au gré du vent. Cela l'amusait, même. Elle se sentait plus libre ainsi, puisqu'elle attachait sa chevelure toute la journée pour ne pas être gênée dans les combats, et se trouvait même un peu moins rude.. un peu plus douce, plus proche des autres femmes. Elle ne leur ressemblait guère, avec ses manières de « sauvageonne », son caractère intrépide et buté, et ses capacités physiques, son expertise en maniement d'épée, et elle en était même fière. Porter de grosses robes encombrantes, se comporter comme une bourgeoise, toujours faire attention aux autres, être une poupée taille réelle, très peu pour elle, ce n'était vraiment pas son genre. Elle préférait largement l'odeur de la poudre, le bruit des lames qui s'entrechoquent et une bonne pinte de bière aux parfums délicats, aux parures en pierres précieuses et dîners de luxe. Plusieurs fois, ses subordonnés s'étaient moqués de son manque de féminité, mais après tout, si cela les divertissaient, elle n'y voyait pas de mal.
Pourtant... pourtant, des flash totalement contraires l'assaillaient dans ces rêves. Elle voyait une petite fille, qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau lorsqu'elle avait cet âge là, porter d'affreuses robes de princesse, pleurer telle une vraie faible en regardant la neige tomber par la fenêtre d'un immense château. L'enfant rêvait d'affection, de temps passé avec une grande femme blonde, une parfaite bourgeoise coincée et insupportablement stricte et froide avec la petite. La capitaine sentait sa détresse, et elle se réveillait avec des larmes aux yeux à chaque fois que ce genre de scène revenait dans ses songes, ce qui l'agaçait au plus au point.
Et puis elle se souvenait aussi d'un autre « moment » qui, ces temps-ci, prennait souvent place dans son esprit. Elle retrouvait la petite fille, mais des années plus tard, étant devenue une adulte comme on en voyant plus depuis l'accident de Jovénia. Cette fois-ci, elle riait, assise avec d'autres personnes autour d'une table, recouverte de boissons et aliments bon marché. La femme échangeait des regards avec un beau blond aux yeux bleus, s'agaçait et exprimait des répliques cinglantes à chaque parole d'une Elfe à la chevelure océan, soupirait en voyant un homme particulièrement musclé remplir son assiette une nouvelle fois, et ne pouvait retenir un sourire aux blagues lancée par un Jaguarian. Tout cela semblait si proche aux yeux de Jadina... Elle pouvait encore sentir son coeur se gonfler de bonheur, deviner un sourire sur ses lèvres...
Sans oublier une nouvelle scène, beaucoup moins joyeuse. Une adolescente, pourtant plus mûre que la femme d'avant, sans doutes victime de la magie de la pierre brisée, contemplait d'un regard vide un jardin enneigé à travers le fenêtre contre laquelle elle était appuyée, enroulée dans une couverture. La capitaine devinait un grand gouffre au fond de coeur de la fille. Comme si la chose la plus chère à ses yeux avait quitté ce monde, comme lui rappelait un morceau de tissu autour de son poignet, qu'elle tripotait sans cesse. Là, encore, la capitaine se sentait très mal, comme si quelque chose lui manquait, tout comme l'autre fille.
Jadina soupira et secoua la tête. Il ne fallait pas qu'elle pense à tout cela, sinon, toute sa nuit serait gâchée. Elle devait se préoccuper d'autres choses bien plus importantes. La fête de Noël, par exemple. Elle voulait faire une surprise à son équipage, mettant la chasse à la prêtresse de côté, et organiser une petite soirée pour cet évènement qu'elle trouvait, aujourd'hui encore, magique. Elle l'appréciait particulièrement grâce à la neige, phénomène météorologique qui la fascinait depuis toujours. La capitaine pensait presque qu'il s'agissait d'un présent des dieux, ces dieux qui avaient abandonné leur création. Elle adorait lorsque cette poudre blanche tombait des cieux lorsqu'elle s'y trouvait. Elle se sentait comme isolée de tout, libre comme l'air, encore plus que d'ordinaire. Et cela améliorait grandement son humeur, à la plus grande joie de ses matelots.
Demain, elle devrait aller acheter de la bière, du rhum, de la viande, et puis peut-être engager quelques musiciens, puisque les talents artistiques de ses subordonnés laissaient à désirer, n'étant supportable que sous l'emprise de l'alcool. Et tout cela sans qu'ils ne s'en rendent compte... Elle allait sûrement leur faire nettoyer le navire de fond en comble pendant qu'elle se chargerait des achats. Cela les occuperait, et lui faciliterait la tâche. Au moins, tout sera propre pour un petit moment. Même s'il faudra recommencer le lendemain.
Jadina bailla. Le sommeil commençait à l'envahir. Elle soupira, levant la tête vers le haut du ciel. Elle n'avait pas envie d'aller dormir. Ces rêves étranges allaient encore s'imposer, et la fatiguer. Mais d'un autre côté, si elle restait debout toute la nuit, elle n'aurait aucune force pour la fête du lendemain soir.
« Quel ennui », commenta-t-elle en secouant la tête.
Depuis toute à l'heure, les cieux se tenaient en blanc opaque, et quelques nuages se formaient autour du bateau volant. Et puis un flocon, un seul, descendit jusqu'à la paume tendue de la capitaine pour s'y poser. Il resta quelques instants, puis finit par fondre avant de disparaître totalement. Un sourire se dessina sur les lèvres de la jeune femme, qui tenait sa main froide dans l'autre.
« Demain, la neige recouvrira Alysia », se réjouit-elle avant d'aller se reposer dans sa cabine.
Voilà voilà ~
C'est fini, j'espère que ça vous a plu ^^
Ecrit le 23 décembre 2017, corrigé le 24 (un grand merci à un ami du site) puis publié sur le site officiel des légendaires (ça sonne tellement bien XD) le 25 aux alentours de 00:23, donc il est très récent.
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[OS] Les légendaires
Fiksi Penggemar"Legendaires unis un jour, Legendaires unis toujours !" Telle était la phrase que clamaient ces héros pour se donner de la force, du courage. Se rassurer. Se dire qu'ensemble ils étaient invincibles. Que rien ne pourrait mettre fin à leur vie, à leu...