2 • Réunion • 2

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Ian adressa un mince sourire à la secrétaire en passant devant son bureau.
Cette dernière baissa la tête, rougissant.
Il était clair qu'elle n'était pas indifférente à son regard limpide si singulier.

Ian emprunta l'ascenseur de verre censé le mener à la salle polyvalente, tout en haut de l'immense immeuble de cristal qu'était son université.

A travers la paroi transparente, il pouvait observer des écrans intégrés dans le verre du bâtiment, qui diffusaient les dernières actualités.
Sous ses pieds s'étalait un dédale de couloirs et d'escaliers tous plus opulents et ornementés les uns que les autres.
Le verre, teinté par endroit, laissait passer une lumière douce et tamisée dans les salles, contrastant avec la luminosité blanche et crue des corridors.
Il était difficile de rester indifférent devant la splendeur du bâtiment, même en y passant ses journées.
L'édifice était grandiose, c'était incontestable.
Ils étaient parvenus à retrouver toute la technologie passée, qui avait pourtant disparu durant la sombre période des guerres nucléaires.

Mais il suffisait de creuser un peu pour réaliser que toute la magnificence du bâtiment n'était en réalité qu'un verni.
Un verni que payait quatre-vingt-dix-huit pour-cent de la population en demeurant dans l'ignorance et la pauvreté.
La société était en pleine crise depuis des dizaines d'années, et ses gouverneurs tentaient tant bien que mal de le cacher en édifiant ces prestigieux bâtiments.

Une légère sonnerie se fit entendre, lui indiquant qu'il était arrivé.
Une planche de cristal flottante se tenait devant la porte de l'ascenseur.
Ian posa distraitement ses pieds dessus, avant de se laisser guider jusqu'à la salle polyvalente.
Ce moyen de locomotion avait le mérite d'éviter les mouvements de foule, et d'économiser les étudiants en astronomie, souvent déjà éreintés par leur entraînement quotidien.

Quand il arriva dans la salle, elle était déjà bondée d'étudiants richement vêtus qui semblaient tous sur-excités à l'idée d'une aussi grande réunion.
Il était vrai que la dernière fois qu'une telle conférence s'était déroulée remontait à... très longtemps. 

On échangeait des conversations animées, discutait de la dernière combinaison à la mode, de la nouvelle coupe de cheveux de Shay Whright , la célébrité du moment, on se racontait des potins...
Tant d'insouciance, de luxure.
Tout cet univers écœurait Ian.

Certains auraient pu dire de lui qu'il était jaloux.
Il aurait répondu que oui, peut-être, mais qu'il y avait une chose qu'il ne supportait pas...
C'était l'injustice.
Les personnes qui se trouvaient dans cette salle ne méritaient pas toutes leur place.
Qu'avaient-elles fait, à part... naître ?
Rien, absolument rien.
Les seules qui s'étaient battues pour s'y retrouver étaient celles comme lui, qui, ironie du sort, vivaient le plus pauvrement.
Amèrement, il tentait de se faire une raison en se disant que sa situation n'était peut-être pas si terrible, car elle avait au moins le mérite de ne pas lui faire prendre la grosse tête.

Ian ravala cependant sa rancœur et se dirigea d'un pas décidé vers un rang vide plus ou moins au milieu de la salle.
Quelques secondes plus tard, une femme qu'il n'avait jamais croisée auparavant vint prendre place à côté de lui.
Elle était vêtue d'une combinaison intégrale d'un blanc immaculé, dont le seul ornement était une ceinture aux motifs changeant au fil de ses mouvements. 
Ils évoluaient chaque fois pour représenter des paysages d'une beauté à couper le souffle , tous en lien avec l'univers : nébuleuses, galaxies, quasars, supernovae, exoplanètes...
Des images magnifiques devant lesquelles Ian demeura interdit durant quelques secondes, perdu dans leur contemplation.
Il reporta cependant son attention sur la propriétaire de la combinaison ; grande et élancée, une cascade de cheveux blonds platine descendait  jusqu'à sa taille, pareille à une écharpe de soie écrue.
Cette dernière était relevée par un simple bandeau, serti de petites pierres dont Ian préférait ne pas imaginer la valeur.
Une peau pâle comme de l'albâtre, ajoutée à de grands yeux d'un bleu froid et perçant, donnait à la jeune femme un air lunaire.
Elle lui adressa un sourire d'une blancheur étincelante, relevant son nez fin et délicat.
Elle lui tendit une main aux doigts fuselés :

AchlysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant