Les ruines

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Il est tard. La lune est belle, brillante, reine de la nuit. Elle est celle qui veille sur nos rêves, qui enveloppe nos songes de sa lumière pure et rassurante. Mais, ce soir, je lui refuse mes pensées nocturnes. Une autre lumière occupe mon esprit.



 J'ai mis à bas mes barrières.



 Chaque message qu'il m'envoie me pousse un peu plus à le laisser entrer. Pourtant, ça fait quelques temps déjà qu'il n'y a plus de portes. Juste un petit corps frêle qui bloque l'accès. Un petit corps fier, de prime abord, mais sale. Tellement sale.

Chaque message que je lui envoie le pousse à entrer, à passer outre cette petite fille qui lui barre le chemin. Un petit bonhomme, lui aussi, salit, bien plus sale que l'autre, mais dans ses yeux à lui brille un éclat de volonté. Un éclat tellement pur.





Le petit bonhomme s'est arrêté à la hauteur de celle qui lui faisait face. Il a plongé son regard si lumineux dans celui si noir de la fille. Il lui a souri, gentiment et elle s'est écartée. Les rayons de lune venus se refléter, s'embellir dans les iris si claires du garçon, transpercent, d'une douceur presque étrange, celle qui s'y est noyée. Le souffle court elle le voit avancer dans sa demeure. Elle tend le bras comme pour le retenir. Il retombe mollement. C'est trop tard. Elle aimerait crier. Lui crier qu'il doit repartir, qu'il n'y a rien, que c'est moche, que c'est sombre. Le son ne parvient pas à franchir ses lèvres tremblantes, comme s'il s'était évanouit comme le soleil d'autrefois. Elle est impuissante, si faible. C'est un désastre.


La fille frêle lève sa tête vers celui qui l'observe. Ses paupières découvrent des pupilles noires, des puits sans fond, dans lesquelles il se perd. Elle ne lui rend pas son sourire, son visage neutre renferme au coeur de ses orbes la peur. Une peur panique. Il passe. Il sent sa poitrine se comprimer, il manque d'air. Il avance dans ce qui avait dû être une belle maison. Çà et là des restes de couleurs. Il suffoque malgré la brise continuelle qui souffle dans son dos. Il est si mal, si impuissant face à ce désastre. Il se détourne vers celle qui se tient si droite et qui pourtant lui parait, maintenant, si fragile.




 Leurs regards se croisent. Nouvelle bourrasque. Puissante. Mélange de deux sentiments contradictoires. L'effroi, habituel au milieu de tous ces gravats. L'espoir, oublié, qui refait surface.




 Elle se laisse choir contre un amas de pierres abîmées. Elle n'a plus de défense. Il s'approche, la domine. Il est si grand. Il s'agenouille au pied de ses ruines, l'entoure de ses bras. Il l'a protège. 


 Des larmes chaudes coulent de ses yeux sombres. Il passe ses doigts sur ses joues, les essuie. 


Ses iris claires s'emplissent de larmes. Elle les découvrent scintillantes, recouvrant les deux diamants qui la dévisagent. 


Ils pleurent leurs malheurs. Ils pleurent leurs marques indélébiles laissées par les coups qui ne cicatrisent pas. Ils sont sales sous cette lune.


Ils sont purs dans cette nuit. Ils ont l'espoir, ensembles, dans ces ruines.

Mille et une penséeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant