CHAPITRE 2

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VINE

Je n'avais pas eu une enfance des plus heureuses. Ma mère m'aimait mais elle avait aussi aimé ce type : son deuxième mari. Et là où mon père avait été un homme compréhensif, lui n'avait su ramener dans nos vies que ses deux fils. Deux garçons bien plus âgés que moi. Cruels et sadiques. Se congratulant d'être les meilleurs alors qu'ils n'étaient que deux vermines alcooliques et fêtards sans ambition.

Ma mère ne les aimait pas beaucoup. Leur père n'était pas non plus leur plus grand fan mais il s'agissait de ses fils alors je pense qu'il se mordait la langue et les laissait agir comme ils le souhaitaient.

Il les excusait parce qu'ils avaient perdu leur mère. Moi j'avais perdu mon père et personne ne s'en souciait. Pas plus que mon beau-père ou ma mère n'arrêtèrent les agissements de ces deux jeunes adultes à mon encontre.

J'avais été une proie facile pour eux. Une proie de choix. Je prenais les humiliations, les rares coups qu'ils osaient me donner. J'étais la victime de leurs petits jeux.

Jusqu'à ce jour...

Je sus que j'étais endormie en me revoyant des années en arrière.

Seule. A la maison avec l'un d'eux.

Je courais. Aussi vite que mes petites jambes me le permettaient. Je courais. A travers tout le premier étage, les pièces et les portes qui se trouvaient sur mon chemin. Je dévalai les escaliers comme la petite fille de huit ans paniquée que j'étais. En bas, je rencontrai le premier obstacle : la porte d'entrée verrouillée.

J'entendais déjà les pas descendre les marches derrière moi.

J'insistai une seconde de plus sur la poignée qui refusait de s'ouvrir. Le pas ralentit. Mon demi-frère me voyait effrayée et s'en délectait.

- Où est-ce que tu crois aller ?

Si je ne fuyais pas cette fois-ci, il ne se contenterait pas de me mettre une raclée. Je le pressentis dans tout mon être. Je quittai le hall brusquement. Prenant à droite, direction le grand salon. Je cherchai un issue. Des secondes interminables passèrent avant que je ne trouve une fenêtre ouverte.

Mon coeur était un fou dans ma petite poitrine. Il accéléra encore dès que je me ruai vers l'extérieur. Je me jetai dehors avec agilité. J'avais la souplesse d'un chat et la maturité d'un adulte, depuis toujours.

Il faisait jour. Un soleil de plomb illuminait le ciel azur. En cette superbe journée d'été, personne n'aurait pu se douter qu'une gamine de huit ans fuyait sa maison. Je les imaginai tous dans leurs maisons, vivant leur petite vie bourgeoise et propre. Egoïstes et sourds à mes appels fréquents. Personne ne m'avait jamais aidée. Pas même ma propre mère. Et pourtant, elle m'aimait. Que pourrait faire des étrangers ?

Je me tins droite devant la fenêtre. Je ne repris pas ma course.

J'avais toujours eu une intuition forte. Cette fois encore, je savais qu'il ne fallait pas que je fuis. Il fallait que j'affronte.

J'attendis. Les battements de mon coeur ralentirent et j'essuyai d'une main rageuse des larmes que je n'avais même pas sentie couler. Je me tournai face à ma maison. J'aperçus la silhouette de mon frère se précipiter dans le hall d'entrée où elle s'affaira sur la porte.

Je regardai la poignée tourner puis il apparut. Mon souffle s'accéléra de nouveau et ma gorge me brûla quand je retins les larmes qui voulaient s'en échapper. Je tournai la tête vers le portail, un brin hésitante. Si je me remettais à courir, je serais libre.

Mais je sus que ce n'était pas tout à fait la vérité. Si je reste, je le serais vraiment.

Je fis juste un pas en arrière en le voyant se précipiter vers moi. Mon demi-frère avait un air que je lui connaissais par coeur, entremêlée d'une perversité dérangeante. Je fis demi-tour pour m'échapper dès que son sourire se fit carnassier mais je trébuchai aussitôt. Il s'arrêta au-dessus de moi, une bouteille de whisky à la main puis il se pencha pour m'attraper le bras et me relever. Il me fit mal. Je crus même qu'il allait m'arracher le muscle tellement sa poigne fut celle d'un adulte violent prêt à tuer.

SUPRÊMES - Tome 1 [Publié chez Éditions Cyplog]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant