CHAPITRE 1

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VINE

La fenêtre n'était pas bien grande et encadrée de barreaux, mais il s'agissait de ma seule échappée vers le monde extérieur. Depuis deux ans, c'était à cet endroit que je passais la majorité de mes journées. Ma cellule était lugubre. Un simple carré de sept mètres sur sept avec deux lits superposés, un meuble d'appoint dans un coin, pas de toilettes mais un lavabo qui commençait réellement à s'encrasser.

En étant seule, j'aurais peut-être pû m'en accommoder. Rester sur mon lit, un livre en main pour oublier ma captivité, mais je ne l'étais pas. Cet air frais qui s'engouffrait dans la pièce, et qui effleurait mon visage était la seule chose qui me permettait de rester calme.

Et de ne pas égorger ma camarade de cellule...

En parlant d'elle, je l'entendis s'agiter derrière moi. Je ne pouvais faire autrement que de l'entendre ! Celle-ci s'acharnait à me rappeler sa présence - injustifiée comme elle le répétait depuis deux ans - à toute heure du jour ou de la nuit.

Marian tournait en rond toute la journée. Faisant son lit, le défaisant quand elle s'y allongeait en soupirant, le refaisant après cinq minutes de pause. Ensuite elle se rendait devant le miroir, soupirait de son apparence, s'appuyait contre les barreaux, shootaient dedans sans ménagement, se plaignait de la chaleur, se plaignait de sa situation, et regrettait à haute voix sa vie d'avant. Celle avant la plus grosse bêtise de sa vie : avoir suivie sa meilleure amie dans son combat contre les lois.

Je regardais toujours dehors dans ces moments-là. En essayant d'imaginer ce qu'aurait pu être ma vie sans tout ça. Je ne voyais rien d'autre et je ne regrettais pas ce choix. Peut-être juste celui de n'avoir jamais revu ma mère et de l'avoir blessée. Son regard ce jour-là m'en avait dit long sur ce qu'elle ressentait. Depuis je le gardais enfoui en moi, incapable d'oublier le désespoir et aussi la déception que j'y avais lus.

Nous avions les mêmes yeux, elle et moi. Aussi dorés qu'un épi de blé. Aussi clairs que nos cheveux longs l'étaient. Ils étaient le miroir de nos âmes. Une fenêtre ouverte sur nos sentiments.

Avant la prison, je ne m'étais pas évertuée à les dissimuler, et grâce à cela, bon nombre de garçons avaient cherché à se rapprocher de moi. Aujourd'hui plus rien n'était pareil, mon regard s'était assombri et je ne laissais plus mes sentiments au grand jour.

En un sens, Marian, celle que j'avais toujours adorée, m'y avait grandement aidée. Il n'avait suffit que de quelques jours enfermée avec elle et j'avais su : ma meilleure amie avait été engloutie par quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui m'en voulait plus que tout et qui trouverait un jour le moyen de me le faire payer.

- Je ne suis pas aveugle, tu sais.

Cette phrase sortait vraiment de nulle part. Marian avait décidé de m'adresser la parole...sans grogner ? Je ne me retournai pas pour la regarder mais je répondis :

- De quoi tu parles Marian ?

L'autre pouffa sur son lit. Je lui jetai un rapide coup d'oeil. Allongée sur ses coudes, elle essayait de paraître sure d'elle et maîtresse de la situation. Elle ne l'était pas. C'était moi.

- Je sais que c'est grâce à toi si je ne suis pas devenue folle ici.

Cette fois ce fut à mon tour de me moquer. Marian n'était pas devenue folle ? Cela dépendait du point de vue.

- Je ne sais pas comment tu fais ça, Vine. Mais j'aurai dû sombrer d'être enfermée entre quatre murs. Au lieu de ça, j'ai toujours le courage de... rouspéter.

- Tu appelles ça rouspéter ?

- Tu comprends ce que je veux dire.

- Non Marian, je ne comprends vraiment pas de quel sujet tu veux parler.

SUPRÊMES - Tome 1 [Publié chez Éditions Cyplog]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant