4. Tartare de cœur

1.2K 68 32
                                    


Lorsque Bedelia se réveilla, tous ses souvenirs lui revinrent instantanément en mémoire et son souffle se fit erratique : Will lui plantant une seringue dans le cou, le regard animal d'Hannibal. Elle savait, aux yeux fous de son ancien amant, qu'elle n'en sortirait pas vivante. Sa vie était d'ores et déjà finie. Pourtant, elle ne ressentait aucune panique, elle était tout simplement amorphe, droguée par une certaine substance. Le corps de la psychiatre était horriblement lourd, elle ne sentait plus aucun de ses membres. Sa tête était douloureuse, impossible pour elle de réfléchir à un plan d'évasion. Elle remarqua néanmoins qu'elle était toujours chez elle, dans sa salle à manger, assise devant sa longue table design. Elle avait encore l'espoir que Jack arrive à temps. Ces paroles tambourinaient dans sa tête « Attendez-moi, je viendrais demain matin à la première heure... ». Pourquoi ne lui avait-elle pas suggéré de venir de suite ? Elle voulait prendre le temps, prendre le temps de boucler toutes ses affaires en cours et partir confortablement. Ce train de vie l'aura donc trahit jusqu'au bout...

Sur la grande crédence se dressait une belle nappe, et des couverts brillants et luxueux que Bedelia avait achetés lors d'un séjour en Allemagne. Elle s'y était rendue durant l'été... Non, l'hiver. Son cerveau n'arrivait plus à réfléchir et ses pensées se mélangeaient. Son crâne semblait prêt à exploser et elle abandonna toutes idées de souvenirs.

La pièce était sombre et plongée dans la lumière jaunâtre des chandeliers incandescents. Dans d'autres circonstances, Bedelia aurait apprécié ce moment, douillet et chaleureux. La table avait été mise pour trois et au centre y trônait un long morceau de gibier encore fumant et délicatement enveloppé de feuilles en formes de nœuds. Du vin avait été versé dans les verres et des fleurs et des fruits venaient parfaire la décoration subtile de la tablée. Les rideaux étaient tirés et ne laissaient entrevoir qu'une fine lumière extérieure de la nuit. Du Maurier constata qu'on l'avait revêtu de son élégante robe de soirée bleue nuit qui lui seyait parfaitement. Le vêtement possédait un élégant décolleté qui mettait ses seins en valeur, et qu'elle ne portait qu'en de grandes occasions. Son regard fatigué et passif prit quelques minutes pour observer son corps et arriva jusqu'à sa taille...

- Oh... mon... dieu... articula la jeune femme avec une lenteur qui témoignait de son état nullement naturel.

Le visage de la psychiatre devint pâle, ses tempes et son dos se recouvrirent de sueur. La nausée lui monta. Elle voulait hurler, se débattre, fuir, mais la seule chose qui bougeait et tremblait, c'était ses lèvres. Ses yeux firent des allers-retours, à droite puis à gauche mais elle était totalement figée. Des larmes qu'elle ne sentit qu'à peine, se détachèrent de ses yeux et coulèrent sur son visage tordu de souffrance. La peur lui comprima violemment le ventre. Impuissante, elle se laissa aller et ses larmes se déversèrent. Elle fixa l'horizon face à elle, lasse et détruite de l'intérieur.

Elle ne pouvait croire la vision qu'elle avait entraperçue à travers son regard vague. Sa jambe... La droite, dissimulée par sa longue robe et chaussée d'un talon onéreux à semelle rouge était désormais son unique jambe ! Sa cuisse gauche avait soigneusement été enveloppée dans un bandage laiteux et laissée à vue de façon volontaire.

Rien ne sortait de l'ordinaire dans la pièce, comme si tout paraissait habituel et sans grande importance. Bedelia réussit avec une difficulté extrême à saisir la fourchette à deux dents se trouvant dans son assiette. Evidemment, Lecter n'avait pas fait de faux pas en choisissant les couverts destinés à la viande. Elle reposa mollement sa main sur sa cuisse en essayant de camoufler au mieux son arme de fortune et tout en continuant de sangloter silencieusement.

Sa vie était si proche de la fin, et ce constat était si douloureux.

Au loin, elle arrivait à entendre des bruits légers survenant de la cuisine et comme venant d'une autre galaxie. Des rires amusés et des chuintements de vaisselles. Tout était si loin dans son esprit, tout son être se concentrait sur la perte de sa jambe et de sa mort prochaine. Elle respira profondément pour essayer de se calmer, même si c'était vain, et essayait de trouver un moyen de s'enfuir de cet endroit où tout son corps était hérissé de peur et de terreur.

Hannibal Fanfiction - Bloody LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant