Wontokki

Wonho

Minhyuk s'allongea enfin sur le lit, la tête lourde. Kihyun était parti un peu avant le repas, durant lequel Changkyun ne lui avait pas adressé la parole, sans doute encore vexé qu'il ait lu son carnet. Soit c'était ça, soit c'était simplement le fait que Kihyun ait passé la porte. Il avait tendance à réagir comme ça, ces derniers temps.

Il soupira, et roula sur le côté, balançant un bras par-dessus Wonho.

"Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il décide de réagir comme ça", soupira-t-il à son adresse. "Il veut le voir, alors pourquoi il fait un bloquage comme ça ? Je veux bien qu'il ait du mal à gérer ses sentiments, mais à quoi ça l'avance de s'enfermer, hein ?"

Minhyuk cligna des yeux, regardant sa peluche. Il avait recommencé à lui parler si naturellement. Avec un pincement au coeur, il l'attira à lui, le serrant contre sa poitrine.

Ce n'était pas comme si il lui avait suffi d'une fois pour l'oublier. Il le sortait, le rentrait, recommençait à chaque fois qu'il avait un invité. Tout simplement, au bout d'un moment, pris dans son travail et ses problèmes d'adolescent, il avait oublié de le sortir une fois, et il ne l'avait pas vu pour penser à le cacher, donc n'y pensait pas, et de fil en aiguille il avait simplement négligé de penser à lui. Et ce n'était qu'une peluche, et c'était ridicule, mais il se sentait terriblement mal. Ce n'était pas qu'une peluche, c'était sa peluche. C'était Wonho. Il ne méritait pas ça.

"Je suis désolé", murmura-t-il contre sa fourrure qui lui chatouillait le nez. "Pardon de t'avoir laissé là-dedans tout ce temps."

Il baissa la tête pour chercher dans ses yeux de verre quelque chose comme du pardon, mais même si cette lueur impossible était apparue il s'en serait toujours voulu. Ses pensées dérivant, il lui caressait la tête.

Minhyuk ne s'était pas rendu compte d'à quel point il lui avait manqué. Depuis que la situation avec les deux personnes les plus chères à son coeur s'était dégradée, il ne pouvait plus parler de tout avec eux. Shownu était gentil, supportif et attentionné, mais c'était son père et pas un ami de son âge. Il ne pouvait pas discuter de ses théories sur le comportement de Changkyun, ou de ce qu'il pensait des sentiments de Kihyun.

Quelque part, peut-être que si il avait tellement peur d'être seul après le semi-départ de Kihyun, c'est qu'il se sentait déjà seul d'une certaine façon.

Il serra les dents, enfouissant son visage dans Wonho et respirant son odeur, plus poussiéreuse que dans son souvenir pour des raisons évidentes. Il aurait aimé que Wonho soit une vraie personne. Qu'il puisse répondre à ses inquiétudes, qu'il lui propose des solutions auxquelles il n'aurait pas pensé. Quelqu'un pour rire à ses bêtises quand son frère fermait la porte de sa chambre et que Kihyun était occupé à réviser. Il saurait qu'il pouvait lui faire confiance, et il saurait déjà tout de lui puisqu'il avait grandi avec. Ils seraient déjà amis. Ce serait bien.

Minhyuk soupira faiblement, écartant son visage juste assez pour le regarder. Les choses pourraient se passer comme dans les contes que lui lisait Shownu quand il était jeune. La princesse embrasse le crapaud, et elle gagne un prince pour lui tenir compagnie. Il était plutôt sûr que la morale visait surtout à inciter les jeunes filles de l'époque à se marier à de vieux hommes répugnants en leur promettant qu'au moins ils étaient riches, mais l'idée l'avait toujours séduit. Autant mettre toutes les cartes de son côté.

"Wonho, j'aimerais vraiment que tu puisses me parler de temps en temps. Je demande pas la royauté ou le château, même si ce serait bien en bonus. On peut négocier le mariage, aussi, si tu y tiens. Viens juste me dire bonjour, au moins une fois, s'il te plaît."

Et il l'embrassa doucement, avec autant d'amour qu'il en ressentait, c'est-à-dire beaucoup.

Ses yeux se rouvrirent quand il s'écarta, attendant les paillettes et la lumière mystique précédent la transformation.

Wonho resta parfaitement inerte.

Minhyuk haussa les épaules.

"Bon, j'aurai essayé."

Il attrapa son téléphone, et se laissa distraire par l'écran jusqu'à s'endormir, toujours enveloppé autour de Wonho.

Il fut réveillé par un rai de lumière, toujours enveloppé autour de Wonho. Après une vague de panique rapidement calmée par la réalisation qu'il travaillait l'après-midi, il s'accorda un moment pour émerger, les yeux toujours fermés. Il avait bien dormi malgré son sommeil d'habitude léger, la température n'était pas encore étouffante, et il se sentait comme de retour en enfance, paisible et reposé. Même Wonho avait l'air aussi grand que dans ses souvenirs, quand il arrivait à peine à l'entourer de ses bras.

Il fronça les sourcils en tâtonnant. Ce n'était pas qu'il avait l'air grand... Il était grand. Si grand qu'il ne trouvait pas le haut. Ses yeux s'entrouvrirent péniblement, laissant voir une tâche floue du pelage blond de Wonho. Non, c'était toujours sa peluche. Qu'est-ce que son cerveau à moitié endormi était en train d'imaginer ? Avec un grognement, il battit des paupières et s'éleva sur un coude pour mieux y voir. Son regard remonta le long du boudin de pelage qui sortait des draps, et finit par croiser celui que lui adressait le jeune homme allongé à côté de lui.

Minhyuk s'expulsa en arrière avec un cri ultrasonique de panique.

Son corps s'emmêla dans les draps et l'empêcha de s'enfuir, mais pas de basculer misérablement dans le vide jusqu'à ce que l'intrus lui saisisse le bras et évite sa chute in extremis. Dans un état de choc absolu, il fixait le jeune homme blond clair ridiculement habillé dans une sorte de combinaison pelucheuse de lapin, comme un déguisement. Un kigurumi, décida-t-il.

"T'es qui et qu'est-ce que tu fais là ?" hoqueta Minhyuk, en train d'imaginer les pires possibilités.

"De quoi tu parles ?" fit l'autre, manifestement ennuyé. "Je suis Wonho."

Le pire, jugea Minhyuk, était probablement qu'il avait l'air aussi surpris que lui.

"Oh, je peux parler ?"

L'auto-proclamé Wonho lâcha un Minhyuk stabilisé pour regarder ses mains et les plier plusieurs fois avant de se toucher le visage.

"Et je peux bouger, et je ressemble à vous ! Haha ! "

Minhyuk se pinça violemment le bras, et glapit sous la douleur qui en irradiait. Juste pour être sûr, il recommença. Non. Définitivement pas en train de rêver. Alors qu'est-ce que c'était que ce bordel.

"De quoi", fit-il faiblement.

"Je suis Wonho", répéta-t-il avec un grand sourire. "Tu as dit que tu voulais que je puisse parler hier, et je parle ! C'est pas incroyable ?"

Minhyuk plissa les yeux, suspicieux.

"Prouve-moi que tu es Wonho et pas un gars bizarre qui a échangé de place avec Wonho pendant la nuit."

"Euh... Comment ?" fit-il, perdu.

"Je sais pas, dis-moi un truc qu'il y a que toi qui peut le savoir !"

Son expression devint sérieuse, et son joli visage se tordit sous l'effet de sa réflexion. Minhyuk se dit soudain que c'était pas si grave que ça, si c'était juste un gars bizarre. Au moins il aura eu une belle vue avant de le mettre dehors.

"Ah ! Une fois pendant une soirée avec Changkyun et Kihyun tu as fait une bataille de chatouilles sur le matelas de Changkyun qui dormait, et tu t'es fait pipi dessus mais tu as prétendu que c'était sa faute parce que tu savais que Kihyun te le rappellerait toujours si c'était toi mais que si c'était Changkyun il laisserait couler."

Minhyuk déglutit.

Okay. C'était Wonho.

Soit.

Il ferait avec.

Avec un grand sourire, il commença à chercher comment justifier à sa famille qu'un parfait inconnu soit dans sa chambre le matin et sache tout d'eux.