Chapitre 6 : Rancœur, Découvertes et Enfantillages

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"Permettez-moi de vous présenter mon ennemi intime..."

Nous sommes enfin repartis! Il a fallu faire déjeuner les deux autres, après de nombreuses jérémiades, puis démonter le camp, appeler Anwa, faire monter Merna qui pestait, parce que je n'ai pas de selle, et enfin, grimper sur Keïwa qui râlait parce que je suis pas taillée pour chevaucher un loup. Nous nous tenons présentement devant la Rivière Prospère. Le lycan utilise sa vision perçante pour repérer le pont, pendant que je regarde la carte. On dirait vraiment des aventuriers novices... La naine chantonne un truc sur la bière en tressant le crin de ma jument. Après cinq bonnes minutes, on est de nouveau en route. Nous suivons la rive vers l'Ouest, donc vers la capitale, qui répond au nom de Erinÿ, et vers la Mer d'Argent. Nous voyons vite un pont de pierre. Le chant s'arrête. Quand je tourne la tête, je lis sur le visage de ma compagne de voyage un grand mépris. Je demande:

«Un problème?

-Nom d'un nanillon, c'est bien un pont typique des Valacades...sur nos terres....à nous.

-Et?,je rétorque, sans comprendre l'insinuation nanesque (nanique?)

-Ce sont nos terres, pour commencer. Ensuite, j'aime pas leur façon de tailler les pierres. Et enfin, je peux pas les voir, eux. On a toujours été en conflits avec les équipes aux ordres de Tenardyn «Le Fier» Grimburgan.»

A peine son explication, la naine du clan Brecken crache sur le pont. Ma «monture» secoue la tête, totalement blasée. Nous traversons au rythme des histoires de bastons entre clans, ponctuées d'interjections en tout genre, telles que « Par Gaïnardyn! On sait tous que Ban foutrait une raclée à ce fils de sans barbe!» ou «Y' a que Grimburgan pour faire des trucs aussi stupides!». La conteuse est si passionnée que je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire. Même si l'instinct de survie me fait douter d'eux, c'est plaisant d'avoir enfin des compagnons avec qui échanger pendant mes missions. Enfin, j'aurais peut-être pu choisir des gens plus équilibrés....

Je me rends compte que c'est confortable de voyager à dos de loup. En revanche, ça a l'air moins sympa de devoir supporter le poids d'une mercenaire, armée jusqu'au dents. Nous nous arrêtons dans un petit coin de Nature ombragée, pour se restaurer et reposer nos membres engourdis. Les alentours sont calmes, à part deux pies qui se chamaillent, un peu plus loin. Nous sommes à la lisière de la forêt, là où elle se densifie, laissant à la faune des refuges de feuillages. Alors qu'on sort de quoi déjeuner avec Merna, Keïwa se retransforme sans même nous demander de nous retourner.

«Rhaich! Un peu de pudeur, nom d'Aionia!, je lance

-Moi, j'aime bien la vue.

-Merci bien, ma gente dame Irongol.»

On pouffe tous les trois comme des enfants. Je jette une robe au mage qui s'en drape, avant d'attraper un morceau de pain et un bout de chevreuil. Elë saute partout en faisant le fou et joue avec le loup. On se croirait en sortie pique-nique.

Malheureusement, les bons moments ont une fin puisqu'il faut repartir. Je range toutes mes affaires dans le sac. Elë arrive en trottinant et grimpe sur ma main. Il pointe son petit museau vers la forêt. Je ne comprends pas, alors je m'approche du Gaurhoth pour reprendre sa tenue. Simultanément, nous nous retournons vers l'endroit que pointait le petit chinchilla noir et blanc. Un lynx boréal en sort. Les poils de mon dos se hérissent. C'est le symbole de la déesse Aionia, son animal fétiche. Il est reconnaissable à son poil blanc comme neige moucheté de noir par endroit. C'est rare d'en croiser, si ce n'est impossible. Merna a l'air ahuri. L'animal s'approche, puis s'assoit à une dizaine de mètres. Mes yeux croisent ceux du lycanthrope et il est aussi mal à l'aise que moi. Les vibrations de pureté touchent directement notre part sombre. Une aura de bonté à l'état brut se propage tout autour du félin qui nous fixe. Personne n'ose bouger, comme si le temps était figé. Mais Elë, curieux de nature, bondit de ma main et avance. Il se tapit devant l'animal, puis se redresse en agitant ses moustaches. Je tente de bouger pour récupérer mon petit compagnon, par peur qu'il ne serve de jeu au gros chat, mais une faiblesse me prend et je n'y parviens pas. Le lynx cligne des yeux à l'attention d'Elë, puis commence à tourner autour de nous, comme si nous étions des proies. Une fois son territoire marqué, il s'incline doucement et s'enfonce dans les buissons.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 27, 2019 ⏰

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