Musique : Hurt - Johnny Cash
« Try to kill it all away but I remember everything »
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Victor Hugo a dit un jour « L'amour d'une famille, le centre autour duquel tout gravite et tout brille ». Je crois que chaque famille est différente et ne peut se caractériser par une seule définition. Nous créons notre propre définition de la famille, chacun à notre façon. Une famille se forme, se casse, se reconstruit par les membres qui la fondent. Si elle est forte et soudée, elle peut faire face aux épreuves les plus difficiles de la vie, elle peut se relever et affronter les échecs, les coups bas, les trahisons, les mensonges. Elle peut surmonter tout obstacles. En revanche, si elle n'est pas construite sur des fondements solides et entourée d'honnêteté, elle commence par s'effriter sur les bords, tout en gardant les apparences lisses. Dans ces cas-là on remet de la peinture sans essayer de comprendre la source du problème. On cache tout par une nouvelle couche, et on sourit pour préserver les apparences. Et puis il y a les familles entre deux, qui essaient de tenir bon malgré tout, qui essaie de trouver sa place dans ce monde.
Nous avons toujours fait partie de la deuxième catégorie d'aussi longtemps que je me souvienne. C'est triste à dire mais l'argent ne gens pas les rend heureux et ne contribue que partiellement à leur bonheur. Dans ma famille on a toujours caché les vérités, nous ne disions jamais ce que l'on pensait, on le faisait derrière le dos des personnes car on veut garder la face. Et c'est ce qui nous a coûté très chère.
Comme beaucoup d'enfants de mon milieu social, on a vite appris à se débrouiller par nous-même, à ne pas exprimer nos émotions, ne pas faire de vague pendant les repas de famille, rester assis sur sa chaise à écouter les adultes parler. J'ai de la chance d'avoir une sœur, car Lizzie et moi, on a constitué notre famille à deux. Notre petit cocon. Et puis un jour, quand j'avais six ans, et Lizzie neuf ans, notre tante Becky est rentrée de France où elle faisait ses études d'arts. C'est à partir de ce moment précis que notre petit cocon familial s'est élargi pour accueillir notre tante. Elle s'était installée chez notre grand-mère paternelle et nous passions nos étés chez elle avec nos cousins. Ces deux mois de vacances intenses étaient une réelle libération, on rechargeait nos batteries pour la nouvelle année à venir. Pendant ce temps-là nos parents occupaient leur emploi du temps par des mondanités, leur travail et des vacances aux quatre coins du monde.
J'avais dix ans lorsque je compris que je n'étais plus une priorité pour mes parents. C'était pendant les vacances du printemps, Lizzie était partie en colonie avec ses copines et tante Beck était retourner en France pour une exposition. Je passais la plupart de mes journées chez Jesse, je partais le matin et rentrait en fin d'après-midi, ça m'arrivait même de rester manger chez eux. Je serais restée à vie chez eux si je pouvais. Tout chez les Harding me faisait penser aux rayons du soleil ; chaud, lumineux, réconfortant, accueillant. On me considérait, on m'écoutait, on me laissait parler, et on m'aimait, comme un être à part entière. On occupait nos journées par des balades à vélo, des jeux sur la plage avec les premiers membres de la clique.
Ce jour-là nous avions consacré la matinée à la confection de mobiles de coquillage, nous étions allées nous promener avec Zoé, la grande sœur de Jesse quand j'étais arrivée chez eux. Nous avions ramassé tellement de coquillage que nous avions dû en délaisser aux abords du chemin sur la route du retour. De retour chez les Harding nous nous étions installé toutes les trois dans le jardin. Nous avions lavé les coquillages avec de l'eau claire, on les avait étalés sur des torchons puis nous les avions triés par couleur, par taille et ensuite nous avions commencé par percer des petits trous dans chaque coquillage pour y passer la ficelle. J'en avais confectionné trois ; un pour ma grand-mère, un pour ma tante et un autre pour Lizzie et moi. Durant notre activité manuelle, nous avions parlé de tout et de rien, en organisant notre planning du reste de la semaine, sous le regard attendrissant de Zoé et bercées par l'album de Johny Cash.
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The Anchor
RomanceSummer est une jeune étudiante californienne. Venant d'un milieu aisé, elle ne s'est jamais sentie à sa place au sein de sa famille, entourée d'hypocrisie et de non-dits. Au fil des années, elle s'est créée une carapace et s'est imposée des limites...