Etrange Fille (2)

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Crac !

Je sursaute puis me retourne avec appréhension...

...pour voir un tableau du couloir qui s'est décroché du mur. Je lève les yeux au ciel à cause de ma stupidité. Personne ne viendrait ici, ce château est la bâtisse la plus inhospitalière du Comté. Je m'approche du tableau et observe son cadre. C'est du bois. Je devrais pouvoir m'en servir pour le feu, alors. C'est déjà ça en moins à faire moi-même. C'est fatiguant d'abattre un arbre et de couper des bûches. Je le soulève et l'emporte avec moi dans le salon, là où je serai plus à l'aise pour le démonter.

J'ouvre les grandes portes qui sont en hêtre blanc. J'entre et ferme les portes d'un coup de pied, puis vais me laisser tomber dans le seul fauteuil de la pièce. Je souffle un bon coup. J'ai eu de la chance, aujourd'hui, il n'avait pas d'arme sur lui ou était trop impressionné pour m'attaquer. Il ne m'a pas beaucoup poursuivie. Ce devait être un nouveau. Il n'avait pas la hargne d'un ancien combattant. Les autres Bienveillants m'auraient sautée dessus dès que le petit aurait crié « maman », ils ne peuvent pas supporter la simple idée de se trouver en ma présence. Celle d'un monstre, d'une erreur de la nature.

Secouant la tête pour me sortir ce mauvais souvenir de la tête, je jette un regard à la ronde. Il faudrait que je range, il y a trop de choses qui traînent. Je me relève, et fais un tas avec les bûches ou les bouts de bois à côté de la cheminée et range les bouquins qui sont étalés un peu partout dans la bibliothèque. Ce meuble que j'ai installé à l'autre bout de la pièce pour être sûre qu'il n'entrera jamais en contact avec le feu. Une fois le tout fait, je me dirige vers le tableau pour le démonter. Je vais me mettre près du nouveau tas de bois pour le feu et observe la toile.

C'est un portrait d'un certain Kolar din Honder, 873-000. De longs cheveux roux entourent un visage rond et gras. Ses yeux sont d'un brun et n'ont pas l'air d'avoir une once d'intelligence. Le pauvre, il était gros et avait un air stupide. Enfin, il avait de l'argent bien que ça ne fasse pas tout, ça aide pour pas mal de chose. Il n'a pas eu beaucoup de chance puisqu'il était noble pendant la Grande Révolution. Ça a été un carnage pour tous les sangs-nobles de chaque comté ou duché. Le peuple en a eu marre de toutes leurs magouilles et a piqué sa crise. Il a traîné chacun de ses dirigeants malhonnêtes au bûcher. Il y en a même amené certains innocents, afin d'assouvir sa soif de sang noble. Pour montrer qu'on entrait dans une nouvelle ère, le compteur annuel a été remis à zéro. Nous sommes donc en 506 de la Nouvelle Ere.

Je retourne le tableau et l'observe méticuleusement. La toile est attachée au cadran par des clous. Je devrais pouvoir en venir à bout grâce à une pince à clous, le tissu peint pourra me servir pour démarrer le feu. Je me lève et me dirige vers une étagère pleine à craquer d'outils en tout genre. Je cherche pendant quelques temps la pince. Je finis par la trouver et retourne vers le tableau. Au bout d'une heure, j'ai séparé la toile de son cadre et cassé celui-ci en plusieurs morceaux. Je range le bois et la toile dans un panier près de l'âtre, puis vais faire un tour dans mon potager.

Je sors sur la terrasse où est installée une serre . Au village, personne ne veut me vendre de la nourriture alors je dois subvenir à mes besoins par mes propres moyens. J'ai bien essayé de chasser quelques fois, mais je n'arrive pas à tuer les animaux. Je mange donc des légumes, des fruits et des patates. J'ai bien réussi, une fois, à avoir de la farine pour faire du pain, mais les livres expliquent mal comment en faire.

J'ouvre la porte de la petite maison de verre et inspecte les fruits et les légumes tandis que le deuxième soleil finit sa lente descente. Je fais un rapide tour de tout ce qu'il y a et m'aperçois que seules quelques carottes et quelques tomates sont mûres. Le repas de ce soir va être léger. Je referme la serre, mes légumes en mains, et me dirige vers les cuisines pour me préparer à manger, autant le faire tant que j'ai la force de le faire. Une fois que j'aurai recommencé La vérité sur les Dragons, je n'aurai pas envie de m'arrêter et ne mangerai pas. Ça m'est déjà arrivé plusieurs fois.

Je traverse tout le château avant d'arriver en cuisine, non sans faire un crochet par le salon pour prendre ma gourde vide. Je vois un rat filer tandis que je ferme la porte.

Grand humain ! Partir, partir ! Pas mourir !

Je ne fais pas attention à ça, même s'il y a des bêtes dans la cuisine, je m'assure que ce que je mange soit propre. Je lâche les légumes dans la bassine qui me sert à les laver. Il faudrait que j'en change l'eau, ça commence à être de la boue. Je lave les carottes et les tomates puis les découpe. Quand c'est fini, je mets le tout dans un bol. J'attrape ma gourde et vais près de la jarre que je garde toujours remplie d'eau. J'y enfonce ma gourde ouverte mais ne sens pas d'eau. Je soupire et porte le récipient pour déverser ce qu'il reste dans ma gourde. Rien, pas même une goutte.

Ah. J'ai vidé la jarre ce matin et j'étais trop fainéante pour aller au puits la remplir. Je soupire en pensant au trajet qui m'attend. Pourquoi n'ai-je pas rempli ça ce matin ?! Je pose ma gourde sur le récipient puis empoigne ses hanses. Je descends les escaliers étroits des serviteurs. Je pose la jarre par terre et ouvre la porte qui donne sur le jardin. Je passe avec le pot puis la referme à clé.

J'arrive au puits. Je remonte et descends 4 fois le seau pour remplir ma gourde et ma jarre. Une fois que j'ai tout rempli à ras bord, je vérifie que la corde et le seau soient en bonne état. Tout m'a l'air solide. Je laisse le seau en dehors du trou et retourne au château en essayant de ne pas me mettre de l'eau dessus.

Etrange fille. Pourquoi étrange fille toute seule dans château ?

Je me fige en entendant cette petite voix qui vient de derrière moi. 

Les Oeufs VolésWhere stories live. Discover now