Chapitre 11 - LOUIS

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"Écoute Harry, je souffle, ce n'est sûrement pas le bon moment pour te dire ça, mais je t'apprécie, sincèrement. Je n'ai pas envie de te savoir en train de te morfondre seul chez toi. Alors, je reste avec toi. Chez toi ou chez moi, comme tu préfères, mais tu vas devoir me supporter. Désolé."

Je regarde Harry, le cœur battant. Les événements de la soirée ont mis mes émotions et mes sentiments à rude épreuve. J'ai emprunté les rues de la ville sans nous refaire passer devant la boulangerie et je suis arrêté à l'intersection de la route pour aller chez lui, et celle pour monter jusqu'à chez moi. Ses yeux verts, brillants, cernés, sont fixés sur moi. J'y lis le trouble qui le submerge, la surprise qui remplace pendant quelques secondes sa colère et sa peine.

"Chez toi" il répond simplement.

J'enclenche la vitesse et reprends la route sans ajouter un mot.

Je laisse Harry entrer dans mon appartement. Ce n'est pas très grand mais je m'y sens bien.

"Fais comme chez toi, installe toi sur le canapé, j'arrive !

- OK."

Harry passe sa main dans ses cheveux. Il est vraiment abattu, ce que je conçois tout à fait parce que les mots tagués sur la devanture de la boulangerie ont résonné en moi. Je ne me suis jamais vraiment affiché avec un homme donc je n'ai jamais eu à supporter les insultes ou les moqueries. La vie d'Harry a été exposée par l'école et a forcément fait le tour du village. Le fait de me rapprocher de lui, d'envisager de partager un peu sa vie, c'est aussi absorber les critiques auxquelles il doit faire face. Les critiques... les monstruosités seraient mieux adaptées. J'étais loin d'imaginer qu'il y avait dans mes voisins des personnes aussi étroites d'esprits. J'ose quand même espérer qu'il s'agit de jeunes gens qui ne connaissent rien à la vie malgré ce qu'ils prétendent.

Je retrouve Harry dans le salon, debout devant la fenêtre. Il fait nuit, il ne peut que deviner la mer s'étendre devant nous. Je me place à ses côtés et lui tends un verre de whisky.

"Je pense que ça passera mieux qu'un thé, non ? je lui dis en souriant

- Merci Louis. Merci d'être resté avec moi ce soir, de m'avoir aidé, d'être là...

- De rien, Harry. Je suis tout autant choqué par ce qui arrive. Je ne comprends pas.

- Moi non plus. Je suis dépassé. Ce n'était peut-être pas une bonne idée de venir s'installer ici. Après tout, ils ont raison. Paris, c'est plus simple. La province a encore un esprit étriqué.

- Je ne suis pas d'accord avec toi. Bien sûr qu'une ville comme Paris accepte plus de choses mais si nous fuyons les villes de province, comment veux-tu que les mentalités évoluent.

- Je ne suis pas venu ici pour mener un combat Louis !

- Je m'en doute, mais... tu ne dois pas baisser les bras pour quelques mots tagués sur un rideau...

- Pardon !!!! dit Harry en haussant le ton. Tu me dis que tu es choqué et tu oses me dire que ce ne sont que "quelques mots" ! Et les lettres, Louis ? Tu y penses ? Comment je peux être certain que personne ne s'en prendra à Éléa maintenant, ou même plus tard.

- Harry... Ce n'est pas ce que je veux dire...

- Et pourtant c'est ce que tu dis. Si ça n'atteignait que moi, je prendrais tes paroles différemment mais Éléa est concernée. Je ne peux pas risquer qu'il lui arrive quelque chose. C'est hors de question.

- Je comprends. Excuse-moi", je dis, le regard baissé.

Je pars m'asseoir sur le canapé. Je laisse mon regard posé sur Harry, toujours debout devant la fenêtre. Je n'ai rien à perdre, alors j'ose reprendre la parole après avoir soufflé un grand coup.

Éléa's BakeryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant