Chapitre 1 : Enfance

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Dans la bibliothèque flottait une étrange odeur de souffre. Muna, de son air enfantin, flânait entre les étagères à la recherche de sa source. Elle connaissait l'endroit comme sa poche et avait abandonné sa soeur pour s'y glisser subtilement. Alors que la petite fille allait abandonner, une étrange lumière dorée emplit la pièce. Une douce chaleur s'en émanait et Muna la sentait de plus en plus pressante sur sa peau à mesure qu'elle s'approchait de la pièce réservée aux prêtres. Elle hésita un instant avant d'ouvrir la porte, elle n'enfreignait, en temps normal, aucune règle imposée par le temple. Depuis son plus jeune âge, on lui avait enseigné tous les préceptes de sa religion et elle les respectait à la lettre. Elle craignait, en pénétrant dans ce lieu interdit, de s'attirer les foudres de la Déesse. Alors, elle observa un long moment l'intérieur de la pièce baigné de lumière. C'est en voyant un livre apparaître en son centre, qu'elle se décida à passer le pas. Cela ne pouvait être qu'un message des Dieux ! Elle le prit en main, l'observa sous toutes ses coutures et eut à peine le temps de lire le titre que, déjà, une voix s'élevait depuis l'intérieur de la bibliothèque.

- Princesse, sa Majesté le Roi vous demande.

Immédiatement, elle sortit de la pièce interdite et ferma la porte derrière elle.

- J'arrive ! assura-t-elle.

Muna cacha le livre sous une bibliothèque puis rejoignit la servante d'un pas pressé. Quand cette dernière vit la manche salie de Muna elle s'empressa de s'agenouiller afin de retirer chaque mouton de poussière à la main.

- Où votre altesse est-elle encore allée ? demanda-t-elle.

- Excuse moi Adela, j'ai essuyé un des livres avec ma robe.

La servante souffla mais laissa entrevoir un léger sourire. Adela était la nourrice de Muna et sa sœur, s'occuper de jumelles n'était pas simple mais elle s'était beaucoup attachée à elle.

- J'ai déjà prévenu votre sœur, elle et votre frère vous attendent auprès de Sa Majesté le Roi. Il semblerait que cette discussion soit importante alors ne tardons pas.

La nourrice sortit de la poche de son tablier une pince avec laquelle elle attacha les mèches blondes de Muna, dégageant ainsi son magnifique visage de poupée.

La salle du trône, ce jour là, était étonnamment silencieuse. Nuha, la sœur jumelle de Muna, se tenait contre son grand frère qui venait tout juste d'avoir 11 ans et le Roi lui lançait des regards sévères depuis l'estrade sur laquelle se trouvait son trône. Muna, hésita à s'approcher, cependant quand le Roi la vit, il demanda immédiatement :

- Adela, veuillez nous laisser seuls un instant.

Sa voix s'était légèrement assouplie à la vue de son enfant le plus sage. Cependant, dès que la nourrice quitta les lieux, il alla droit au but :

- J'ai quelques nouvelles à vous communiquer : Un dialogue a pu être établi entre le Saltar et le Wuto Nam et même si les Saltariens sont encore assez réticents, le Roi est près à déclarer la paix. Au nom de la cette dernière, il désirerait que je promette une de mes filles à un mariage avec son fils. Et, je t'ai désigné, Muna.

Le Roi plongea son regard dans celui de la jeune fille. Elle ne sut comment réagir mais, au fond d'elle, elle se doutait qu'elle serait la désignée. L'image de sa sœur jumelle, Nuha, était ternie par ses comportements souvent peu dignes d'une princesse.

- Quand à vous deux.

Le Roi fusilla du regard Nuha et Sâd.

- Je suis très déçu par votre comportement. Nuha as-tu même conscience de l'image que tu es sensée incarnée ? Tu dois être ce qui se rapproche le plus de la Déesse et pourtant tu continues à te conduire comme une idiote.

La jeune fille était tête baissée, honteuse. Son frère la tenait contre lui, le bras sur ses épaules.

- Quand à toi Sâd, combien de fois t'ai-je dit de ne pas entraîner ta sœur sur la mauvaise voie ? Tu es le seul que j'autorise à avoir un entraînement à l'épée, ta sœur en est exemptée. Vous savez très bien, tous les deux, que les prêtes disent que chacune des princesses royales pourrait être la réincarnation de la Déesse du soleil. Il vous incombe de la représenter justement. Et si, Nuha, tu avais suivi tes leçons d'histoire tu saurais que la Déesse incarne la paix et non la guerre aux yeux du peuple. Tu vas donc me faire le plaisir de rattraper, ce soir, toutes les leçons que tu as manqué cette semaine.

Alors que Nuha et Sâd se ratatinaient, Muna s'avança timidement pour prendre la parole.

- Père, à propos du mariage...

La jeune fille n'osa continuer.

- J'attends de l'annonce de ce mariage qu'elle apaise les esprits revanchards. Alors, oui, Muna, c'est un ordre et non une demande, tu vas épouser le jeune Wei Hai à tes 18 ans.

Pendant un instant, une lueur triste passa dans le regard du Roi avant que ce dernier ne se reprenne.

- Très bien, votre Majesté, s'inclina Muna.

***

Un soir d'hiver, Muna était penchée sur le vieux livre magique, des notes étaient éparpillées autour d'elle. Cela faisait maintenant trois cycles qu'elle s'acharnait à en percer le secret. Le livre était rédigé en ancien Namien et, tous les jours, elle avançait un peu plus dans sa traduction. Un rire familier résonna soudainement dans le couloir et Muna s'empressa de cacher le livre par mesure de précaution. Nuha, sa sœur jumelle, ouvrit la porte dans un grand fracas. Ses cheveux longs et ondulés étaient emmêlés et elle semblait essoufflée.

- Muna, il faut absolument que tu vois l'épée que Sâd a fait forger pour moi, elle est magnifique ! s'écria la jeune fille.

- Désolée, Nuha, je ne peux pas et il me semblait que Père vous avait déjà rappelé à l'ordre, toi et Sâd, à propos de la violence au sein de ce château.

Nuha leva les yeux au ciel à l'entente du mot violence mais s'approcha doucement du bureau sur lequel travaillait sa sœur. La bougie posée sur ce dernier éclaira peu à peu son visage enfantin le colorant du même coup d'une teinte chaleureuse.

- Je trouve que tu as beaucoup changé dernièrement, souffla-t-elle. On ne te voit presque plus sortir de ta chambre et tu as multiplié tes leçons par deux.

Muna baissa les yeux, consciente du fait qu'elle avait beaucoup lésiné sa sœur dernièrement. Cependant, la jeune fille savait qu'elle ne pouvait pas partager ses recherches avec Nuha. Elle aimait sa sœur du plus profond de son cœur et ne voulait simplement pas l'obliger à grandir aussi vite qu'elle avait dû le faire. Entre le mariage et les quelques lignes que lui avait révélé le livre, elle sentait qu'elle devait, maintenant plus que jamais, prendre les décisions qui s'imposaient.

- Ce n'est pas grave, la rassura Nuha. Je voulais juste m'assurer que c'était bien ta décision et pas celle de Père. Ne te sens pas obligée de changer pour ce stupide mariage, ça n'en vaut pas la peine.

Muna offrit à sa sœur un sourire timide mais ne dit pas un mot.

- Si tu as un petit moment, viens me rejoindre dans la cour sud je t'apprendrais quelques trucs.

Muna pouffa, sa sœur savait très bien qu'elle ne toucherait jamais à une arme. Elle cherchait juste à lui remonter le morale, et cela fonctionnait.

Quand l'ombre de Nuha disparut et que Muna put à nouveau se plonger dans ses traductions, son sourire s'effaça.

- Je te protègerai, je te le promets, Nuha, murmura-t-elle.

Les Histoires EntrelacéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant