Chapitre 7 : Mariages à la chaîne.

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Le soleil s'était levé avec une lenteur affligeante ce matin. Nuha s'était postée à son balcon pour observer son élévation divine. Le chant des prêtes priant sa clémence quotidienne enveloppait le palais d'une agréable sensation de bien-être. La nouvelle Reine qu'elle était avait une place beaucoup trop grande dans sa vie à présent. Elle arrivait de moins en moins à apprécier le lieu où elle vivait depuis toujours. Il lui semblait être, tout comme son titre, une sorte de prison de verre. C'était donc pourquoi elle chérissait autant cet instant de paix.

On toqua alors à sa porte et la jeune femme se redressa subitement, s'éloignant du même coup de la balustrade. Elle poussa le rideau blanc qui séparait le balcon de sa chambre et s'y engouffra.

- Entrez !

Sâd apparut alors dans l'encadrement. Il avait un large sourire sur son visage et cela eut l'effet de détendre Nuha.

- J'ai eu vent de tes exploits hier soir, lui fit-il remarquer. J'avoue que ça m'a fait bien rire mais fais attention à ce que tu fais.

Il semblait alors plus sérieux et se glissa dans la chambre sans demander son reste. Sâd avait un certain tact et savait comment soumettre les mots désagréables à l'oreille afin qu'ils paraissent supportables. Au passage, il attrapa une datte qui était posée dans une coupelle sur une petite table ronde.

- Abel est influent au sein de la garde, si je ne lui avais pas mis la pression il aurait certainement donné une mauvaise image de toi aux hommes qui te sont les plus proches. Ne prends pas tes sujets pour acquis. Ce n'est pas parce qu'ils travaillent pour toi qu'ils te resteront toujours fidèles.
-J'en ai bien conscience mais qu'est-ce que j'étais supposée faire face à lui ? s'énerva doucement Nuha.

Sâd passa sa main sur sa mâchoire et resta ainsi un moment.

- Mais qu'est-ce qu'il t'a dit au juste ? demanda son frère.
- Il m'a fait comprendre que jamais il ne me considèrerait comme une Reine et m'a décrédibilisé devant tous ses hommes.

Sâd relâcha ses muscles et s'assit sur le lit. La chaleur continuait de s'abattre sur le continent depuis quelques temps et la capitale, bénite par le fleuve qui le traversait, était la seule à ne pas trop souffrir de cet atmosphère. Pourtant, ce matin était particulièrement chaud et déjà les femmes s'habillaient de robes colorées.

- Peut-être Père avait-il raison ? Je t'ai aveuglé avec la violence des combats.
- Mais que dis-tu, Sâd ? Je pensais que toi comme moi étions d'accord pour dire que l'escrime ne fait pas de moi une tueuse sanguinaire.
- Peut-être pas une tueuse sanguinaire mais une enfant qui ne sait pas résoudre les conflits autrement que par la violence, certainement.

En cet instant rare, Sâd n'avait pas pris de pincette, il était allé droit au but et cela avait blessé Nuha bien plus qu'il ne l'imaginait. Il avait plongé son regard brun directement dans celui de sa sœur et il y avait lu toute la tristesse et la détresse qui s'y trouvaient. Nuha tourna son visage, cherchant à cacher ses yeux embués. Elle n'en revenait pas des propos de son frère.

- Nuha, comprends bien que je t'aime et que jamais je ne te blesserai inutilement, avait dit Sâd en se relevant.

Il avait pris le visage de sa sœur entre ses deux mains.

- Mais tu dois comprendre que je crains pour ta vie et que agir de cette manière est dangereux pour toi comme pour toute notre famille. Pour gagner le respect des gens oublie la menace, je t'en pris. Je sais que ça semble être ton seul moyen de défense mais cela ne l'est pas.

Des larmes se mirent à couler sur les joues de la jeune Reine et son frère la prit dans ses bras, incapable de se confronter à cette vision.

- Tu aurais été un si bon Roi, Sâd, murmura-t-elle.
- Mais je n'aurais jamais été une aussi bonne Reine que toi, lui répondit-il.

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