CHAPITRE I : Oegan

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ONEMIA


Oegan marchait vite, ses talonnettes claquants sur les dalles lustrées du couloir. Il était large, accompagné de hautes et larges colonnes de marbre qui s'élevaient des deux côtés et agrémenté d'immenses baies vitrées. Il accéléra. De l'autre côté se dressaient à intervalles réguliers des portes au bois sculpté et orné, et, si elles se ressemblaient toutes, Oegan avait trop parcouru ses dédales pour ne pas savoir devant laquelle s'arrêter. Une dizaine de mètres plus loin, il ralentit l'allure, lissa les plis de son veston bleu foncé, inspira longuement et, sans prendre la peine de toquer, entra dans les appartements royaux. L'empereur était là, embrassant une de ses nombreuses femmes qu'Oegan ne comptait plus et qui, à son entrée, recula vivement, les joues écarlate. Le Seigneur, nullement dérangé, lui adressa un regard vide de ses deux petits yeux glaciaux et congédia la femme d'un geste dédaigneux de la main.

_Tu as beau être mon deuxième fils, Oegan, tu ne t'es jamais permis d'entrer sans frapper. Dans mes appartements qui plus est.

Oegan se recula pour laisser passer la femme qui, soulevant ses nombreuses jupes et soieries, sortait en courant presque. Il la reconnut enfin, avec sa petite taille et ses courts cheveux blonds. C'était Jeena, la dernière femme de son père, à peine âgée de seize ans. C'était elle qui, pas plus tard qu'hier, a mis au monde le dernier –pour le moment – fils de Richard. Quand elle fût loin, ses talons continuant de claquer à la folle allure de sa course, il entra et referma la porte derrière lui. Il avait encore les joues rouges et la respiration saccadée de son parcours rapide. Son père s'affala dans un grand siège au dossier et à l'assise de velours pourpre et, prenant entre ses doigts ornés de bagues toutes plus précieuses les unes que les autres un raisin d'une grappe posée devant lui, le pressa.

_Dit moi donc, fils.

«Fils». Voilà un nom dont il était bien exempt lors de grandes réunions. Évidemment, l'empereur Richard d'Onemia avait de ses nombreuses femmes de nombreux enfants mais n'accordait devant la cour un semblant d'intérêt que pour son fils aîné, le vaillant Rykon. Partit en conquête au nord du royaume pour récupérer des terres autrefois volées par le royaume d'Arnevall, il n'était censé revenir que dans de nombreux mois. Et, faute de sa présence, Richard se reposait sur son second fils. Oegan eût un instant une pensée pour Matthew, son dix-neuvième frère s'il gardait le compte, qui venait de naître – celui-là même fils de Jeena. Aurait-il un jour l'attention de son père ? Et si oui, après combien d'absences ou, voire, de morts ? Oegan secoua la tête, reprit ses esprits et sortit de son veston une lettre en papier sur laquelle avait été appliqué le sceau impérial. D'un rouge où se disputait l'or et avec un magnifique aigle qui déployait ses ailes de cire au-delà du cercle, il était le même depuis des générations, depuis le jour même où Onemia avait conquis le nom d'Empire. Richard dût reconnaître l'emblème du cachet d'aussi loin où il était car il se leva prestement de sa chaise, reposa le nouveau grain de raisin qu'il allait avaler et traversa la salle à grandes enjambées, sa cape fourrée volant derrière lui.

_Rykon ? Demanda-t-il d'une voix forte qu'il ne quittait jamais, visiblement.

_Oui, père. Les nouvelles ne sont pas bonnes, répondit Oegan, quêtant la réaction de son père.

Mais pas une émotion ne s'inscrivit sur son visage, pas un sentiment ne traversa son regard froid. Fût-ce à peine ses sourcils broussailleux qui se rejoignirent dans une expression encore plus froide que la précédente. Oegan prit une grande inspiration et détacha le cachet de cire qui, ayant déjà été décollé, n'opposa aucune résistance. Oegan parcourut les lignes de ses yeux noisettes, jusqu'à s'arrêter sur une en particulier. Il lut, sans plus s'occuper des réactions de son père.

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