Chapitre 2

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POINT DE VUE DE JAYDEN

Lundi matin.

— Ça dépasse mes aptitudes.

Je lutte pour rester conscient. Porter un tel parfum devrait être puni par la loi. Le sexagénaire, lui, n'a pas l'air dérangé par cette horrible senteur.

Dès mon arrivée en classe ce matin, le proviseur Richard m'a réquisitionné. Il essaye d'extraire un semblant d'empathie et d'humanité de ma personne – un pari perdu d'avance.

— Je ne vous demande pas votre avis, monsieur Bock.

— Je suis déjà en échec scolaire, alors me faire rater des heures de cours, pardonnez-moi, mais ce n'est pas très fairplay.

— Disons que c'est pour la bonne cause. Puis, vous ne servez pas à grand-chose en classe, autant vous rendre utile. 

Je m'évertue de ne pas l'envoyer bouler. Les pigeons, eux, font visiter le lycée aux nouveaux.

— Votre camarade ne devrait pas tarder à arriver. Vous pouvez disposer.

Je quitte la pièce.

J'ai hâte que tout cela se termine. Le hall est vide, tout le monde est à l'étage, ou dans la cour.

— Encore toi, commence une voix dans mon dos.

Je marque un temps d'arrêt. Non, ce n'est pas possible. Je fais tout pour me remettre dans le droit chemin, et voilà que l'Univers m'envoi des êtres à qui faire du mal.

Je me retourne. La garce brune est de retour.

— Je pensais que tu étais du type à squatter dans les rues, lui lancé-je.

— Pareillement.

Un mot de travers, et je me sens vaciller du côté obscur. Je ne vais pas salir ma dignité. Un écart, et elle mangera le sol.

— Tu es ?

— Andréa, elle s'exclame.

— Jayden.

L'ambiance est très tendue. Son regard sombre et froid rencontre le mien. Je ne sais pas, elle paraît si étrange au premier abord. Avec son teint blafard, sa tignasse toute noire.

— La cantine est au bout du couloir, commencé-je laconique, les salles en haut, les toilettes au rez-de-chaussée, et l'administration de même.

— La salle deux-cent-neuf est au deuxième étage ?

Je ravale un haut le cœur.

— Quoi ? Elle m'interroge.

— On est dans la même classe.

*

J'ai savouré la pause. Jason a tenté de me redonner le sourire, en proposant de se rendre à la salle de boxe. J'attrape le révolver qu'il me tend.

— T'as pensé à t'entraîner ? Me questionne mon meilleur ami.

— Pas encore. J'attends d'en savoir plus sur mon adversaire. Je ne vais pas bouffer de l'énergie en vain, si je peux le battre les doigts dans le nez.

Jason souffle. Son regard balaye la salle, se pose sur l'imposant ring.

— Toi, tu me caches un truc, soufflé-je en me levant. Jason, ne me mens pas.

— J'avais pourtant dit à Wade de t'en parler, il chouine. Tu vas affronter l'autre fou de Conore ! Merde, on ne peut pas lui donner des responsabilités à ce type.

L'annonce me paraît invraisemblable. Conore, j'entends un peu trop son nom à mon goût. Je ne savais même pas que ce dealer combattait. J'appréhende – il serait capable de m'attendre dans les vestiaires, couteau dans le caleçon.

— Tu comptais me le dire quand ? Je hausse le ton.

Je suis totalement submergé par l'énervement. Jason, c'est comme mon frère. Il ne peut donc pas se permettre de m'informer aussi tard, ou, quand bien même, de charger quelqu'un d'autre de le faire. Je suis mal barré. Jason m'a tiré une balle dans le pied.

Les battements de mon cœur s'intensifient. Il le sait, pourtant, ces derniers temps, je ne suis plus maître de mon corps. Je m'avance vers la table de marque, attrape le boitier servant à comptabiliser les points et le fracasse contre le mur.

— Enquête sur lui, lui ordonné-je, essoufflé. Si je perds un combat, je suis mort. On coule tous. Alors, tâche de me rapporter le maximum d'infos à son sujet.

— Prends tes affaires, bafouille-t-il, et suis-moi. Puisque tu tiens tant à te surpasser, on va bosser.

Le blond me balance mon sac, que je parviens à saisir. Un silence religieux s'est désormais installé. Nous longeons le large corridor, jusqu'à hauteur d'une porte blindée noire. Notre salle d'entraînement.

— Tu vas douiller, Jayden.

Il dégotte ensuite sa carte puis la colle contre le haut de l'interphone. L'antre s'offre à nous. L'intérieur est éclairé.

— Zack ! Sourit Jason.

J'entre à mon tour.

— T'es sorti vivant de ton cambriolage ? Le taquiné-je en lui serrant la main.

— C'était horrible ! Un gars de notre groupe a complètement oublié de faire sauter l'alarme. Ce con.

— C'est ça d'emmener des incompétents, ajoute Jason.

— J'y penserai. Le prochain est programmé pour très bientôt.

Les deux continuent de dialoguer pendant que je charge les altères. Je vais morfler. Mais pour être gagnant, je suis prêt à faire tous les sacrifices du monde.

— J'ai vu la liste des prochains affrontement, continue Zack, va y avoir des étincelles. Les gars viennent du monde entier ! Mexique, Japon...

— Le plus redoutable, dis-je entre deux efforts, ça restera Conore.

— Tu boxes depuis des années, ne t'en fais pas pour ça.

— A cause de ses antécédents, Jayden n'est plus comme avant, renchérit mon ami. Il n'a plus autant d'énergie. Ses crises et ses piques d'anémie l'ont bouffé.

Ses crises. Mon estomac se noue, quand on parle de la réalité. J'ai bouffé trop de médicaments, trop de dopamine. Résultat des courses, je me retrouve avec des convulsions.

— Augmente la charge, m'ordonne Jason.

— Je commence doucement.

— Avec ta carrure, soulever ça, c'est une insulte.

Zack rit doucement. Conore aura ma peau, j'en suis certain.

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