L'Ordre du dragon

Chapitre 29

13 novembre, château de Bran.

Cat faisait sa valise. Ou du moins elle était sensée la faire. Elle n'avait juste pas réalisé que toutes ses affaires étaient restées à Bucarest, lorsqu'elle avait fui. Depuis une semaine, elle avait emprunté à Swann quelques tenues, et elle alternait de façon à ce que la laverie du château puisse les lui nettoyer régulièrement. A Bran, elle avait en effet découvert le fonctionnement interne de l'Ordre, des cuisines jusqu'à l'administration. C'était une sorte de société miniature, de ville à l'intérieur du palais. Chaque aile avait son affectation, chaque étage son activité. Il lui semblait qu'elle était pensionnaire d'une sorte de gigantesque université. Certes, très luxueuse, baroque et incongrue, mais une université quand même. A Bucarest, elle n'avait pas eu l'occasion de se rendre compte de tous ces engrenages qui permettaient à l'Ordre de fonctionner. Elle commençait à peine à s'habituer à cet endroit, et voilà qu'elle devait déjà repartir ! Son projet de voyage en Irlande pour rencontrer l'autre descendante, et en apprendre plus sur ses pouvoirs, avait été validé par Dracul. Il avait été entendu qu'elle partirait avec Vlad, car il était celui qui avait le moins de responsabilité, mais en qui le vieux moroï avait le plus confiance.

Cependant, Vlad avait disparu après la réception. Ils avaient appris le surlendemain qu'il s'était rendu chez la comtesse Báthory, afin de négocier les termes de leur accord, et de s'entretenir avec ses espions. Dracul avait grommelé, mais avait fini par charger Stefan de l'accompagner. Il connaissait l'Irlande pour y avoir déjà été, et il avait prouvé maintes fois qu'il était digne de confiance. Lorsque Cat avait appris que Vlad s'était rendu chez la comtesse sanglante, elle s'était sentie bouillir intérieurement. Pourquoi ? Parce qu'elle n'avait toujours pas digéré les paroles du moroï, parce qu'elle voulait s'expliquer avec lui, et parce qu'une jalousie aussi dévastatrice qu'irrationnelle lui mordait le cœur quand elle pensait à cette femme. Jamais elle n'avait senti un tel tourment s'emparer de son être, pour une raison aussi futile. Elle avait même songé à exiger que Stefan lui donne le numéro de téléphone de Vlad, afin de l'appeler pour lui hurler ses quatre vérités. Cependant cela aurait été aussi stupide qu'inutile, et n'aurait fait que confirmer ce qu'il pensait d'elle ; « gamine » et « fouineuse ». Elle s'était raisonnée toute seule, et avait fini par conclure qu'Elizabeth Báthory attisait une jalousie irrationnelle chez elle, de par sa beauté et son assurance. Mais que Vlad soit avec elle ne la concernait pas, d'autant que cela ne faisait même pas un mois qu'elle l'avait rencontré. Il n'avait pas de comptes à lui rendre, et si elle avait cru qu'ils s'étaient rapprochés ces derniers jours, et bien elle s'était trompée. Le moroï ne la considérait visiblement pas comme une amie.

Elle soupira, et chassa ces pensées agaçantes de sa tête. L'important maintenant, c'était de faire sa valise. Ion, l'un des gestionnaires de l'Ordre, était venu lui déposer une valise, ainsi que ses billets de train et d'avion. Elle avait donc une valise absolument énorme, dans laquelle elle n'avait quasiment rien à mettre ; deux pantalons, quelques t-shirts et trois gros pulls qu'elle avait réussi à soutirer à Swann. L'Ordre lui avait également fourni un ordinateur, ainsi qu'un nécessaire de toilettes, et un blouson chaud pour échapper au froid de l'hiver qui s'installait. Mais c'était tout. Elle contempla avec dépit le petit tas d'affaire niché au fond de sa valise démesurée. Elle s'apprêtait à sortir pour aller trouver Ion, et lui demander un sac de voyage moins encombrant, quand Décébale traversa la porte.

- Décébale ! S'exclama-t-elle. Qu'est-ce qu'il se passe ?

Le fantôme lui sourit paisiblement, ce qui la rassura immédiatement.

- Bonjour Cat ! Comment vas-tu ? Prête pour ton voyage ?

- Oui, enfin presque...