Chapitre 24

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Ils réapparurent presque aussitôt dans la cour du château de Bran. Cat reconnut les murs familiers dans lesquels elle avait pour la première fois rencontré Vlad et Décébale. Autour d'eux c'était l'effervescence. Ce fut Stefan qui les repéra en premier, Décébale sur ses talons.

- Vous êtes là ! On vous croyait mo... perdus ! Décébale, va vite prévenir Dracul !

- Personne ne nous a suivi, souffla Swann.

- Qu'est-ce que c'est que tout ce monde ?

Le murmure de Cat ne passa pas inaperçu.

- Ça, c'est tous les moroïs qui travaillent avec nous à Bucarest. On ne se rend pas compte de leur présence, mais ils sont bien là. Vlad, tout va bien ?

Cat se rendit soudain compte qu'elle soutenait toujours Vlad, et que sa tête reposait lourdement sur son épaule. Par réflexe, elle posa sa main sur son ventre. Le sang semblait s'être arrêté de couler. Elle souleva son t-shirt, et hoqueta légèrement. Stefan se pencha précipitamment sur son ami.

- Vlad, mon vieux, qu'est-ce que tu as été nous dégotter cette fois-ci hein ? Les moroïs sont sensés guérir de leurs blessures, tu es au courant pourtant !

Sous le ton ironique du jeune homme, on sentait poindre l'inquiétude. Cat regarda de nouveau l'abdomen de Vlad. Si la plaie s'était refermée, elle n'avait toutefois pas bonne mine. La balle était ressortie, mais avait laissé place à une cicatrice noirâtre et boursoufflée, d'où pulsaient des veines violacées. Elle l'effleura du bout des doigts.

- C'est brûlant, s'alarma-t-elle. Il faut le soigner, et vite 

La tête de Vlad, de plus en plus lourde, glissa jusqu'à ses genoux. Instinctivement, elle plaça ses mains sur ses temps, et exerça une légère pression pour le soulager. Les yeux entrouverts et brillants de fièvre, il la regarda en murmurant « Ilena, nu fi îngrijorat ». Elle frissonna, et laissa ses mains retomber le long de son corps pendant que Stefan saisissait le moroï délirant par les épaules.

*

Vlad était installé dans une chambre du château, similaire à celles où elles avaient dû dormir il y a de cela quelques jours (cela lui semblait dater de plusieurs semaines !). La seule différence était que la chambre était beaucoup moins poussiéreuse, et que le bureau était orné d'un ordinateur dernier cri, aux côtés duquel étaient empilés des tas de journaux et de cahiers en pêle-mêle. Voilà plusieurs heures que le moroï souffrant gisait dans son lit bien trop grand, et son état ne semblait pas aller en s'arrangeant. Cat soupira. Son teint passait progressivement de « blafard » à « gris », et elle ne savait toujours pas quoi faire.

- Toujours rien ?

La voix qui brisa le silence la fit sursauter.

- Décébale ! Chuchota-t-elle furieusement, préviens avant d'entrer quelque part !

- Mais cela fait dix minutes que je suis là ! s'indigna le vieux spectre.

Elle leva les yeux au ciel.

- Tu sais, tu finiras par savoir quoi faire, instinctivement.

Le ton rassurant du fantôme lui fit grincer des dents. Quelques heures plus tôt, dans la cour, il s'était avéré qu'il n'y avait aucun médecin parmi eux - les moroïs étant supposément invulnérables- et que Swann étant « avant tout mécanicienne avant d'être sorcière », n'avait jamais touché, de près ou de loin, à la magie curative. Aussi, la seule personne dans ce château pouvant présenter des capacités pour soigner quelqu'un était Cat. Qui n'avait jamais réussi à différencier deux foutus médicaments, et dont la moyenne d'SVT avait, à ses heures de gloire, laborieusement atteint le 9. Cela lui faisait une belle jambe.

- Oui, sauf que je n'ai absolument aucune idée de par où commencer, soupira-t-elle.

Décébale ne répondit rien, mais lui adressa un regard bienveillant. L'un des points positifs, c'était qu'elle avait gagné un papi dans toute cette histoire ! Bon, un papi fantôme, mais il fallait faire avec ce qu'on avait.

- Décébale, il y a une certaine Iléna dans l'Ordre ?

- Iléna ? Par Saturne, non ! Où as-tu entendu ce nom ?

Involontairement, Cat tourna son regard vers Vlad. Décébale lui lança alors un regard entendu.

- Iléna était la femme de Vlad, il y a de cela des centaines d'années. Il ne l'oubliera jamais complètement.

- Au moins, la fièvre lui fait revivre de bons souvenirs, murmura Cat, la gorge étrangement serrée.

- Je l'espère...

Le vieux fantôme évita son regard et disparut à travers la porte. Cat, bien qu'intriguée, ne releva pas. Elle reporta son attention sur le visage moite du moroïs. Ses sourcils étaient froncés, et sa bouche se tordait en une grimace douloureuse. La balle qu'il avait reçue était empoisonnée ; cela ne pouvait pas le tuer, en revanche, la dose de poison devait être phénoménale pour que son organisme surhumain mette autant de temps à l'évacuer. Elle s'approcha et posa une main glacée sur son front brûlant. Imperceptiblement, le visage du malade se détendit.

- Ça va aller, lui dit-elle doucement, sans trop savoir pourquoi.

- Mutlumesc, souffla-t-il.

Cat ne répondit pas. Cette réponse ne lui était pas adressée. Elle ne put s'empêcher de frissonner de nouveau en repensant aux mots qu'il lui avait murmurés en roumain. Elle avait beau n'avoir aucune idée de leur signification, et savoir qu'elle n'en était pas la destinataire, cela faisait bien longtemps qu'on ne s'était pas adressé à elle avec autant de douceur. Et sans qu'elle comprenne pourquoi, elle sentit une boule bien trop familière serrer sa gorge, tandis qu'une larme s'échappait pour dégringoler sur sa joue.

L'Ordre du dragonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant