Histoires Eldaryennes

BARA WA UTSUKUSHIKU CHIRU

Valkyon se promenait au sein de l'enceinte de la Garde. C'était à son tour de faire le guet et de s'assurer que cet homme au masque ne reviendrait pas semer le trouble et que cette Naytili débarquerait plus en surprennant tout le monde. Mais pendant qu'il occupait ses fonctions avec sérieux, les autres étaient partis s'amuser au Bastion d'Ivoire afin de fêter comme il se doit le retour de Kaivyn. Il était enfin revenu d'une mission longue de deux ans avec un bon butin à la clé, il avait réussi à retrouver quelques cristaux de manaa, l'équivalent d'une petite bourse. Dès son entrée fracassante dans la salle des portes, il avait crié à plein poumon :

« Eza-chou, devine qui est de retour à la maison. Ouah ! Mais il y a plein de nouvelles têtes dis moi. Bah vous savez quoi, c'est ma tournée ! J'invite tout le monde ! Rendez-vous dès dix-neuf heures au Bastion d'Ivoire. »

C'est ainsi que depuis le début de son service il s'était retrouvé tout seul. Il pouvait entendre l'euphorie de la fête jusqu'ici. C'est certain, il irait faire un petit tour là-bas lorsqu'un membre de la garde viendrait prendre la relève. L'Oracle devait avoir entendu sa pensée car il aperçut un nouveau membre – parfaitement sombre – prendre sa place. Ni une, ni deux, Valkyon partit en direction du refuge d'Eel, là où se trouvait le Bastion d'Ivoire. Avant même d'avoir ouvert la porte de l'établissement il pouvait sentir les odeurs de sueur et d'alcool mélangées. Des cris, des rires, des chopines qui trinquent, tant de bruit dans ce petit endroit. Sa main sur la poignée il sourit de voir que malgré la venue de nouveaux ennemis et sont de plus en plus forts, la cohésion de groupe était toujours aussi solide. Venant à peine de passer le seuil il put observer Nevra, installé confortablement sur un sofa avec, accrochées à chaque bras, trois jolies filles. Des membres de sa garde se mesuraient au bras de fer, soutenus par les beuglements gutturaux des spectateurs. Il poussa une expiration lasse, son sourire néanmoins toujours à la commissure de ses lèvres.

« Ce matin, un lapin a tué un chasseur... »

Il zieuta du côté du comptoir où il put reconnaître, bras dessus-bras dessous, Kaivyn, Ezarel & le terrien, Charlie, en train de chanter en cœur la comptine du lapin et du chasseur. En parlant de Charlie, il avait beau être sous sa garde il refusait de le faire combattre à cause de son handicap qui lui empêchait d'avoir la force, l'agilité et les réflexes indispensables pour l'art du combat. A la place, Charlie passait une grande partie de son temps à la bibliothèque lorsqu'il n'était pas occupé à installer ou à ranger le matériel qui servait aux entraînements. De temps à autres, il leur apportait même une douceur qu'il avait lui-même confectionnée avec ses propres rations. Il avait grand cœur et tout le monde le lui rendait même s'il avait droit à quelques railleries sur sa taille, ses talents de pâtissier ou ses cheveux roux qui brillaient tant lorsque le soleil se couchait.

Il fut sorti de sa réflexion lorsqu'il remarqua enfin les iris noires –embuées par l'alcool– de Charlie qui l'avait repéré au milieu de cette foule. Charlie détourna le regard pour s'adresser à ses deux comparses. Kaivyn fit la grimace avant de se lever de sa chaise de bar en s'égosillant :

« Oh ! Vous ne pouvez pas vous la fermer ! »

Il avait une autorité naturelle qui fit que tout le monde se tut. Charlie commença à fredonner tandis qu'Ezarel tapait le rythme avec la paume de sa main sur le comptoir. Kaivyn le rejoint et Charlie commença à chanter. Valkyon ne comprenait pas les mots qu'il entonnait et sa voix était... différente. Charlie avait une voix puissante et il plaisantait assez sur le fait qu'il aurait pu mener une carrière de chanteur de métal mais Valkyon s'étonnait que sa voix soit plus féminine qu'à l'accoutumée. Pendant sa prestation, Charlie titubait et chantait affreusement faux mais qu'importe, il était applaudit par le public amusé de la situation. A la fin de sa chanson, il s'inclina pour remercier mais, ayant perdu toute notion d'équilibre, il glissait en direction du sol. Le sang de Valkyon ne fit qu'un tour et il rattrapa Charlie in extremis avant que celui-ci ne s'écrase face contre terre. Le tirant vers lui afin de le relever il en profita pour enrouler le bras de Charlie autour de son cou. L'action fit rire toute la salle aux éclats. Ainsi harponné à Valkyon, tout le monde pouvait admirer les pieds de Charlie flotter dans le vide. Après tout l'un culminait pratiquement à deux mètres alors que l'autre mesurait un mètre soixante - à peine.