TRENTE

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"Darling, I do
I'm with you"

vendredi 1 juillet, 10h20
dix mois

« –Comment vas-tu ?

La jeune fille se massait le front en fermant les yeux, exténuée par les courtes nuits qu'elle enchainait. Elle n'avait donc aucune envie d'être ici, ni aucune envie de discuter avec le Dr Paterfield. Il faisait de son mieux, elle s'en rendait bien compte. Mais ça n'était absolument pas le bon timing. William pouvait se réveiller à n'importe quel moment et elle se devait d'être le premier visage qu'il verrait. Les infirmières de William l'avaient obligé à quitter la chambre, après l'avoir laissé squatter la pièce. Pourquoi n'avait-elle pas le droit de rester ? Elle ne faisait rien de mal, seulement être présente pour lui, et ils l'en empêchaient.

–Skylar, tu dois me parler. Si tu veux que je leur dise que tu es assez en forme pour continuer tes visites j'ai besoin de connaître ta version des faits, et la manière dont tu gères les choses. Te sens-tu coupable ?

–Bien sûr, souffla-t-elle. Si notre discussion avait eu lieu sur le muret dix minutes avant, on aurait pas eu à prendre la moto et à tomber en panne sous la pluie. William ne serait pas tout fracassé dans son lit d'hôpital.

–Vous parliez de quoi ?

Les joues de Skylar prirent des couleurs, et elle continua de tripoter son chouchou. Il n'avait pas besoin de savoir ça. Mais elle ressentit l'envie d'en parler, après tout elle savait qu'il serait parfaitement à l'écoute.

–Vous vous souvenez de votre premier amour ? demanda-t-elle timidement.

Il ne parut pas surpris, mais amusé. Ses jambes se décroisèrent et il se redressa sur son siège.

–Sofia, on avait seize ans.

Skylar remarqua le regard rêveur de l'homme, il avait l'air si heureux en y repensant. Et nostalgique.

–C'est votre femme ?

–Oh, non ! s'exclama-t-il en souriant. Ma compagne s'appelle Fidji.

–Ah ouais, fit maladroitement l'adolescente. Pourquoi ça n'a pas duré, alors ?

–Après cinq belles années, notre amour s'est éteint, tout simplement.

–Mais c'était pas l'amour de votre vie alors, vous avez du être déçu.

–Tu sais, je suis convaincu que cette histoire ne m'a apporté que de belles choses. Et certes à l'époque je pensais qu'elle serait la mère de mes enfants, mais quand je vois ma famille aujourd'hui, je suis fier d'avoir une femme si merveilleuse. Et il m'est arrivé de recroiser Sofia, par hasard. Elle aussi a refait sa vie et nous nous entendons toujours aussi bien, il y a un lien entre nous qui ne peut être comparable à aucun autre. C'était du pur amour, avec des hauts et des bas; mais de l'amour.

Un silence régna dans la pièce, il ne comptait pas en ajouter plus et attendit que Skylar parle à son tour. Il avait remarqué qu'en se livrant, il lui donnait la possibilité d'avoir confiance en lui et d'à son tour se dévoiler un peu plus. Le Docteur voyait l'air pensif de l'adolescente qui leva les yeux vers lui.

–Et si William ne se réveille pas ? Comment je saurai, s'il était sensé être l'amour de ma vie ou non ?

–Personne ne peut savoir ça. Et j'imagine que tu as déjà ton idée sur la question, non ? Vous vous aimez, c'est ça qui est important.

Un sourire discret étira les lèvres de Skylar qui soupira, fatiguée d'être encore éveillée.

–Ouais, je l'aime, dit-elle en laissant ses yeux s'humidifier. Je sais que c'est récent, mais j'arrive pas à contrôler. Il m'a tellement aidé, je me vois pas sans lui. Vraiment. Elle essuya ses yeux, resta de marbre tant qu'elle le pouvait et respira longuement. Aujourd'hui, Maureen, ça fait dix mois et je crois que ça y est, je vais mieux. En tout cas, j'ai pas l'intention de mourir. Au contraire, même ! J'ai envie de vivre, d'aimer, d'avancer pour elle. Maureen me manque atrocement, mais j'ai enfin compris que rien ne pourrait atténuer ça. Et puis je suis persuadée qu'on se reverra, je ne sais pas où ni comment, mais j'ai la sensation qu'un jour on sera réunies. La douleur reste mais je m'y habitues. Grâce à William.

Wandering SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant