1. Loup-Garou

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Le conte ici parle d'un personnage qui ne respecte pas la religion catholique, car la majorité des contes fantastiques au Québec servent à protéger la religion. Au Québec, il était dit que si nous ne faisions pas nos Pâques (la messe du dimanche) pendant 7 ans, on se transforme en loup-garou.
Bonne lecture !
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Louis Frèchette
1839-1908

La conversation qui précède avait lieu chez un vieux fermier de Saint-Antoine de Tilly, où une quinzaine de jeunes gens du canton s’étaient réunis pour une « épluchette de blé d’Inde », après quoi on devait réveillonner avec des crêpes.

Comme on le voit, la compagnie était en train de découdre une bavette ; et, de fil en aiguille, c’est-à-dire de potin en cancan, les chassés-croisés du jabotage en étaient arrivés aux histoires de loups-garous.

Inutile d’ajouter que cette scène se passait il y a déjà bien des années, car – fort heureusement – l’on ne s’arrête plus guère dans nos campagnes, à ces vieilles superstitions et légendes du passé.

D’ailleurs, l’interruption lancée par le dernier des interlocuteurs prouve à l’évidence que, même à cette époque et parmi nos populations illettrées, ces traditions mystérieuses rencontraient déjà des incrédules.

– Tout ça, c’est des contes à ma grand-mère ! ajouta la même voix, en manière de réponse aux protestations provoquées de tous côtés par l’irrévérencieuse sortie.
– Ta, ta, ta !... Faut pas se moquer de sa grand-mère, mon petit ! fit une vieille qui, ne prenant point part à l’épluchette, manipulait silencieusement son tricot, à l’écart, près de l’âtre, dont les lueurs intermittentes éclairaient vaguement sa longue figure ridée.
– Les vieux en savent plus long que les jeunes, ajouta-t-elle : et quand vous aurez fait le tour de mon jardin, vous serez pas si pressés que ça de traiter de fous ceux qui croient aux histoires de l’ancien temps.
– Vous croyez donc aux loups-garous, vous, mère Catherine ? fit l’interrupteur avec un sourire goguenard sur les lèvres.
– Si vous aviez connu Joachin Crête comme je l’ai connu, répliqua la vieille, vous y crairiez bien vous autres étout, mes enfants.
– J’ai déjà entendu parler de c’te histoire de Joachin Crête, intervint un des assistants ; contez-nous-la donc, mère Catherine.
– C’est pas de refus, fit celle-ci, en puisant une large prise au fond de sa tabatière de corne. Aussi ben, ça fait-y pas de mal aux jeunesses d’apprendre ce qui peut leux pendre au bout du nez pour ne pas respecter les choses saintes et se gausser des affaires qu’ils comprennent point. J’ai pour mon dire, mes enfants, qu’on n’est jamais trop craignant Dieu.

Malheureusement, le pauvre Joachim Crête l’était pas assez, lui, craignant Dieu.

C’est pas qu’il était un ben méchant homme, non ; mais il était comme j’en connais encore de nos jours : y pensait au bon Dieu et à la religion quand il avait du temps de reste. Ça, ça porte personne en route.

Il aurait pas trigaudé un chat d’une cope, j’cré ben ; y faisait son carême et ses vendredis comme père et mère, à c’qu’on disait. Mais y se rendait à ses dévotions ben juste une fois par année ; y faisait des clins d’yeux gouailleurs quand on parlait de la quête de l’Enfant-Jésus devant lui : et pi, dame, il aimait assez la goutte pour se coucher rond tous les samedis au soir, sans s’occuper si son moulin allait marcher sus le dimanche ou sus la semaine.

Parce qu’il faut vous dire, les enfants, que Joachim Crête, avait un moulin, un moulin à farine, dans la concession de Beauséjour, sus la petite rivière qu’on appelle la Rigole.

Comment survivre au Québec (Rantbook)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant